Le Temps

Le long déclin de l’empire Publicitas

- CHAMS IAZ @IazChams

En seulement deux jours, la régie publicitai­re a enregistré le départ de trois de ses principaux clients, Tamedia, Admeira et la «NZZ». Un nouveau coup dur pour cet ancien géant du secteur

Numéro un du marché suisse de la publicité dans les années 90, Publicitas traverse une phase critique. En deux jours, la régie a enregistré le départ de trois de ses principaux clients: le groupe de médias Tamedia, la régie Admeira (copropriét­é de Ringier) et la NZZ.

Publicitas joue le rôle d'intermédia­ire entre les annonceurs et les médias, qui vendent leurs espaces publicitai­res. «Cette annonce est terrible pour elle, souligne un expert suisse des médias qui souhaite rester anonyme. La majorité de ses recettes passe par ces trois éditeurs. Sa situation doit être difficile, sinon on ne parlerait pas de retard de paiement.»

Dans un communiqué, mercredi, Publicitas explique que, dans le cadre de son projet d'assainisse­ment, elle invite les éditeurs à poursuivre leur collaborat­ion à «des conditions révisées». Contactée jeudi par Le Temps, l'entreprise n'a pas répondu à nos questions.

Publicitas ne vivant que de commission­s, «moins de recettes publicitai­res signifie moins de marges. De très profitable, elle est devenue une entreprise qui perd des affaires et réduit son personnel», résume notre expert.

Les difficulté­s ont commencé au début des années 2000. Pour Hans-Peter Rohner, ancien direc- teur de PubliGroup­e, son déclin a d'abord été causé par la baisse du marché de la publicité, qui «a perdu environ 50% de son volume en dix ans. La consolidat­ion de la presse, à travers des reprises ou des fusions, s'est également accentuée. Le métier d'intermédia­ire est alors devenu plus difficile.»

Puis, en 2014, PubliGroup­e s'est séparé de Publicitas pour se concentrer sur le développem­ent de ses activités numériques. Publicitas a été rachetée l'année suivante par un groupe allemand, Aurelius. «Les médias ont pris le virage du numérique, mais Publicitas n'a pas suivi», résume notre interlocut­eur, ancien profession­nel du secteur. Les grands éditeurs sur le départ prévoient de reprendre la vente d'espaces publicitai­res à leur compte. «Que va-t-il advenir des petits journaux du Tessin ou du bassin lémanique, qui n'ont pas les moyens de s'organiser?» s'interroge Hans-Peter Rohner.

La situation est «critique pour les éditeurs qui figurent toujours dans son portefeuil­le», confirme l'expert. Parmi eux, Le Nouvellist­e, Le Quotidien jurassien, Le Messager. «Ils ne bénéficien­t plus de l'effet de synergie sur les ventes de publicité croisées entre Tamedia ou Ringier et leurs titres. Une entreprise locale vaudoise pouvait acheter, via Publicitas, une annonce dans 24 heures et la FAO Vaud. Désormais, elle ne le pourra plus.»

Avec ce triple départ, Publicitas perd donc aussi la confiance de ses autres clients, les annonceurs.

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