«J’ai fait confiance à son visage»
Le Neuchâtelois Guillaume Perret a été élu mercredi soir «Photographe suisse de l’année» dans le cadre des Swiss Press Photo
Mercredi soir, Guillaume Perret a reçu le titre de «Photographe suisse de l’année» décerné par la Fondation Reinhardt von Graffenried. Jeudi matin, on l’attrape dans une cour de récré, où il tire avec plaisir le portrait de nombreux écoliers. Clin d’oeil savoureux à la situation actuelle des photographes, cumulant grands projets personnels et petits mandats, ou l’inverse.
Le Neuchâtelois, collaborateur régulier du Temps, a été choisi parmi les six gagnants d’un Swiss Press Photo 2018 (LT du 7 avril 2018). Lui avait reçu le premier titre de la catégorie Portrait, grâce à un travail tout en douceur et en sensibilité sobrement intitulé «Daniela», publié en décembre 2017 dans HNE Magazine. Daniela, atteinte d’un cancer, a demandé à Guillaume Perret de la photographier durant la maladie. Cette récompense – dotée de 20000 francs – est la deuxième pour l’agence Lundi13, après Niels Ackermann en 2016 et moins de trois ans seulement après son lancement.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de ce prix? J’ai été surpris, évidemment, mais surtout touché, parce que ce travail est très représentatif de ce que je suis et de ce que je peux amener en photographie. C’est une série personnelle, sans arrière-pensée de rentabilité. Je ne l’ai pas conçue en réfléchissant à une exploitation publique susceptible de toucher un large public.
Comment a démarré ce projet? Daniela m’a contacté il y a un an, elle avait entendu parler de mon travail par sa fille. Etant peintre, elle avait essayé à plusieurs
reprises de se représenter mais n’était pas satisfaite du résultat. Elle a alors pensé à la photographie pour garder une trace de cette période particulière et de ses changements physiques.
Comment avez-vous travaillé? J’avais carte blanche, sans mandat d’objectivité pure, de documenter les séances de chimio ou les rendez-vous chez le médecin, ni obligation de produire de jolis portraits. Nous nous sommes vus une dizaine de fois. Je lui demandais simplement dans quel l i eu elle se sentait bien à ce moment-là. Ce pouvait être l’eau, le jardin… Je ne voulais pas amener de concepts, d’idées extérieures, mais simplement la regarder. J’ai fait confiance à son visage, à la lumière que je pouvais mettre sur elle et à celle qui émanait d’elle. C’est la leçon de cette série. Ces images n’ont rien d’impressionnant mais elles
touchent. Un membre du jury m’a dit: «Vos photographies, on ne les a jamais trouvées extraordinaires, mais on n’a jamais réussi à s’en débarrasser!»
Comment se porte Daniela aujourd’hui? Bien, elle n’a plus de traces de cancer. J’ai arrêté le projet début 2018, lorsque ses cheveux avaient assez repoussé pour qu’elle retourne chez le coiffeur! La médiatisation de ces images fait qu’elle est très sollicitée pour raconter comment traverser cette épreuve. Elle est heureuse de pouvoir redonner, elle qui a été beaucoup soutenue par ses proches et les soignants.
Quels sont vos projets? J’aimerais finaliser ma série sur les amours extraordinaires, peut-être sous la forme d’un livre. Et je projette une série de photographies dans le tunnel du Lötschberg, quatorze minutes dans la voiture d’inconnus embarqués sur un train.
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