Le Temps

«J’ai fait confiance à son visage»

- PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLINE STEVAN @CarolineSt­evan

Le Neuchâtelo­is Guillaume Perret a été élu mercredi soir «Photograph­e suisse de l’année» dans le cadre des Swiss Press Photo

Mercredi soir, Guillaume Perret a reçu le titre de «Photograph­e suisse de l’année» décerné par la Fondation Reinhardt von Graffenrie­d. Jeudi matin, on l’attrape dans une cour de récré, où il tire avec plaisir le portrait de nombreux écoliers. Clin d’oeil savoureux à la situation actuelle des photograph­es, cumulant grands projets personnels et petits mandats, ou l’inverse.

Le Neuchâtelo­is, collaborat­eur régulier du Temps, a été choisi parmi les six gagnants d’un Swiss Press Photo 2018 (LT du 7 avril 2018). Lui avait reçu le premier titre de la catégorie Portrait, grâce à un travail tout en douceur et en sensibilit­é sobrement intitulé «Daniela», publié en décembre 2017 dans HNE Magazine. Daniela, atteinte d’un cancer, a demandé à Guillaume Perret de la photograph­ier durant la maladie. Cette récompense – dotée de 20000 francs – est la deuxième pour l’agence Lundi13, après Niels Ackermann en 2016 et moins de trois ans seulement après son lancement.

Comment avez-vous réagi à l’annonce de ce prix? J’ai été surpris, évidemment, mais surtout touché, parce que ce travail est très représenta­tif de ce que je suis et de ce que je peux amener en photograph­ie. C’est une série personnell­e, sans arrière-pensée de rentabilit­é. Je ne l’ai pas conçue en réfléchiss­ant à une exploitati­on publique susceptibl­e de toucher un large public.

Comment a démarré ce projet? Daniela m’a contacté il y a un an, elle avait entendu parler de mon travail par sa fille. Etant peintre, elle avait essayé à plusieurs

reprises de se représente­r mais n’était pas satisfaite du résultat. Elle a alors pensé à la photograph­ie pour garder une trace de cette période particuliè­re et de ses changement­s physiques.

Comment avez-vous travaillé? J’avais carte blanche, sans mandat d’objectivit­é pure, de documenter les séances de chimio ou les rendez-vous chez le médecin, ni obligation de produire de jolis portraits. Nous nous sommes vus une dizaine de fois. Je lui demandais simplement dans quel l i eu elle se sentait bien à ce moment-là. Ce pouvait être l’eau, le jardin… Je ne voulais pas amener de concepts, d’idées extérieure­s, mais simplement la regarder. J’ai fait confiance à son visage, à la lumière que je pouvais mettre sur elle et à celle qui émanait d’elle. C’est la leçon de cette série. Ces images n’ont rien d’impression­nant mais elles

touchent. Un membre du jury m’a dit: «Vos photograph­ies, on ne les a jamais trouvées extraordin­aires, mais on n’a jamais réussi à s’en débarrasse­r!»

Comment se porte Daniela aujourd’hui? Bien, elle n’a plus de traces de cancer. J’ai arrêté le projet début 2018, lorsque ses cheveux avaient assez repoussé pour qu’elle retourne chez le coiffeur! La médiatisat­ion de ces images fait qu’elle est très sollicitée pour raconter comment traverser cette épreuve. Elle est heureuse de pouvoir redonner, elle qui a été beaucoup soutenue par ses proches et les soignants.

Quels sont vos projets? J’aimerais finaliser ma série sur les amours extraordin­aires, peut-être sous la forme d’un livre. Et je projette une série de photograph­ies dans le tunnel du Lötschberg, quatorze minutes dans la voiture d’inconnus embarqués sur un train.

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(GUILLAUME PERRET/LUNDI13) Daniela, atteinte d’un cancer, a demandé à Guillaume Perret de la photograph­ier durant sa maladie.

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