Disparition d’Abbas, témoin du siècle
Le reporter d’origine i r anienne, membre de l’a gence Magnum, est décédé mercredi à Paris à l’âge de 74 ans
T«Puissent les dieux et les anges de toutes les religions qu’il a passionnément photographiées être là pour l’accompagner», a écrit Thomas Dworzak, président de l’agence Magnum, à l’annonce de la mort du reporter Abbas. L’Iranien «transplanté à Paris» est décédé mercredi dans la capitale française, à l’âge de 74 ans. C’est vrai qu’il en a photographié, des pèlerinages et des rituels, à Lourdes, en Afrique du Sud ou en Serbie.
La spiritualité a pris de la place dans ses images, à force sans doute de les avoir noir- cies de cadavres. L’homme a couvert la plupart des conflits de la seconde moitié du XXe siècle, les soulèvements et les catastrophes. En Irlande du Nord, il a photographié une jeune femme blessée par une bombe. Au Nigeria, une mère et son bébé, avec le regard trouble de ceux qui n’ont pas mangé. En Iran, les corps de quatre généraux exécutés, sortant des tiroirs de la morgue du nouveau pouvoir. A Bagdad, une tête en bronze de Saddam Hussein traînée de par les rues. Parfois, pourtant, un pas de côté. Comme ce joyeux portrait de Jacques Chirac, clope au bec, servant l’apéritif aux clients d’un bistrot de Corrèze, en 1982.
Mais surtout, Abbas a documenté durant trois ans la révolution des mollahs de son pays. Un événement qui l’a poussé à travailler sur les grandes religions du monde. Et qui l’a mené à l’exil. Abbas s’installe à Paris en 1980 – il ne retournera en Iran qu’en 1997. Il rejoint Magnum l’année suivante, après avoir été membre des agences Sipa et Gamma. Le reporter laisse une oeuvre immense, en noir et blanc, une histoire politique, sociale et culturelle des dernières décennies.
Interrogé par Le Temps en 2015 sur le déclin de la «street photography» et de notre mémoire visuelle, il se voulait optimiste: «Les modes passent en photographie comme ailleurs. On se lassera du conceptuel et on reviendra à la photographie de rue à un moment ou à un autre.»