En Corée, l’espoir d’une vraie paix
La venue historique de Kim Jong-un au Sud crée une détente sans précédent. Reste à concrétiser la promesse de désarmement nucléaire
L’un des plus anciens et des plus dangereux conflits de la planète va-t-il prendre fin? Après soixante-cinq ans d’état de guerre ininterrompu, la Corée du Sud et sa soeur ennemie du Nord ont pris l’engagement de conclure d’ici à un an un traité de paix et de dénucléariser, à terme, la péninsule coréenne.
Cette annonce a été faite vendredi, à l’issue d’une visite sans précédent de Kim Jong-un en Corée du Sud, dans une atmosphère de bonne humeur qui a stupéfié les observateurs. Le leader nord-coréen et son homologue du Sud, Moon Jae-in, ont signé une déclaration commune qui contient des engagements précis, comme de cesser au 1er mai les provocations et la propagande (tracts, haut-parleurs) le long de la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées depuis 1953.
«LA GUERRE EN CORÉE VA PRENDRE FIN», a tweeté hier un Donald Trump enthousiaste. Le sommet intercoréen couronne une séquence qui a vu se succéder les menaces de guerre nucléaire l’an dernier, puis l’apaisement aux Jeux olympiques d’hiver, et qui doit se poursuivre ce printemps par un sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un.
Reste ce que la déclaration intercoréenne ne dit pas: quand et comment le régime de Pyongyang va-t-il se débarrasser de ses armes nucléaires, considérées comme son assurance vie?
Panmunjom n’est pas exactement un village comme on l’écrit trop souvent. Au nord il y a des bâtiments de béton gris, au sud il y a des bâtiments de béton blanc et de verre et des baraquements bleus. Au milieu passe le 38e parallèle séparant la République populaire démocratique de Corée, communiste, et la République de Corée, capitaliste. C’est une zone militaire, l’une des plus inflammables de la planète. En traversant cette frontière, en invitant même son homologue sud-coréen à y faire un aller et retour, Kim Jong-un peut se targuer d’avoir marqué les esprits. Tout souriant, l’air bon enfant, il a offert l’image d’un jeune homme chaleureux, pour tout dire sympathique. Même le défilé incongru de sa Mercedes noire encadrée par douze gardes du corps la suivant au pas de course avait en fin de compte un côté chaplinesque. On en oublierait presque qu’il dirige le dernier Etat totalitaire de la planète.
La réussite du sommet inter-coréen est d’abord celui de Kim Jong-un qui conserve à la fois l’initiative et la maîtrise du calendrier de façon tout à fait étonnante. C’est d’ailleurs ce qu’atteste la «Déclaration de Panmunjom», le document paraphé par Moon Jae-in et Kim III. Si on le lit jusqu’au bout, il est bien précisé que «les mesures» en vue d’une dénucléarisation de la péninsule, et donc la paix, ont été «initiées par la Corée du Nord»… Il sera difficile d’ignorer cette version validée par le Sud à l’avenir. On en oublierait presque que c’est le Nord qui a démarré un programme nucléaire et menacé durant des années de son feu le Sud et les Etats-Unis. Si les torts sont certes partagés dans l’escalade qui a précédé ce sommet, voilà une façon singulière de présenter les choses.
La «Déclaration de Panmunjom» n’est pas le premier document du genre. Les deux précédents sommets inter-coréens, en 2000 et 2007, en avaient déjà produit. On pourrait donc la considérer comme un morceau de papier de plus égrenant 65 années d’un armistice impossible à transformer en paix. Mais on peut aussi se convaincre que quelque chose est peut-être en train de changer. Résumons: Kim Jong-un s’engage à atteindre le but d’une péninsule coréenne sans arme nucléaire. Ce n’est pas tout à fait nouveau, mais c’est un peu plus explicite que par le passé. Les deux chefs d’Etat s’engagent ensuite à signer la paix. Ce n’est pas non plus une première, mais il y a cette fois-ci un calendrier: ce sera fait d’ici à la fin de l’année! Avec les Etats-Unis et la Chine (les Etats signataires de l’armistice de 1953). Il y a aussi plusieurs annonces de réunions, politique (un quatrième sommet inter-coréen cet automne, à Pyongyang), militaire (en mai), de familles séparées (en juin), etc. On jugera de cet engagement dès mercredi prochain: le 2 mai, tout acte hostile devra être proscrit, y compris la guerre de propagande. Cela signifie que le Nord devrait démanteler ses haut-parleurs installés à la frontière («éliminer les moyens», est-il écrit) qui crachent leurs décibels à la moindre tension et que le Sud devrait stopper les actions de groupes de militants convoyant par ballons leurs prospectus anticommunistes pardelà la frontière quand les vents sont favorables.
Dans ce processus vers une dénucléarisation, tout peut dérailler à tout moment tant les positions des uns et des autres semblent en réalité irréconciliables. L’espoir est aujourd’hui porté par un leader nord-coréen qui se sent en position de force pour changer le destin de son pays, un leader sud-coréen élu pour faire la paix et un leader états-uniens qui est prêt à réaliser un «coup» qui donnerait une tout autre image de sa présidence. Une première réponse tombera lors du sommet Kim-Trump. S’il se confirme.
La réponse tombera lors du sommet Kim-Trump. S’il se confirme