Le Temps

«France is back» demeure le point principal de l’agenda diplomatiq­ue

- R. W.

L’attractivi­té politique et économique de l’Hexagone est aujourd’hui incontesta­ble. Mais la diplomatie macronienn­e reste bredouille côté résultats tangibles

L’ambassadeu­r asiatique qui nous parle est porteur d’un message. Son premier ministre, un général putschiste, désespère d’obtenir un rendez-vous avec Emmanuel Macron à la fin juin. L’hypothèse de contrats mirifiques est avancée. La nécessité, pour la France, de «trouver des alliés face à la Chine» dans cet Extrême-Orient prospère et compliqué est évoquée. En vain. L’Elysée reste sourd à la demande, au nom des sanctions européenne­s en cours contre son régime. Pourquoi insister, alors? «Parce que cette photo avec Macron, tout le monde la veut, sourit le diplomate, pas dupe. Il est l’unique dirigeant occidental à sortir aujourd’hui du lot avec Trump. Il apparaît comme l’espoir de l’Europe. La France de Macron est glamour, attractive. Bref, séduisante.»

Notre interlocut­eur en fait-il trop? Pas sûr. Rendez-vous au Grimaldi Forum, à Monaco. Le forum Paix et Sport y avait convié en décembre le Prix Nobel de la paix bangladais 2006, Muhammad Yunus. Rapide aparté avec le fondateur de la Grameen Bank, «gourou» du microcrédi­t: «Emmanuel Macron est le nouveau Barack Obama, nous explique-t-il. Sa réussite politique est un modèle.» Deux jours plus tôt, Muhammad Yunus était à Paris, au One Planet Summit, afin de relancer – après le retrait des EtatsUnis – la coalition internatio­nale contre le réchauffem­ent climatique qui menace le Bangladesh, cerné par les eaux. «Le slogan «France is back» correspond à la réalité, poursuit-il. Entre une Amérique impérialis­te devenue protection­niste et une Union européenne divisée, la diplomatie française regagne du terrain.»

Diplomatie télévisuel­le

L’année 1 du quinquenna­t, côté kilométriq­ue, est il est vrai impression­nante. Sitôt bouclée sa visite d’Etat aux Etats-Unis, le jeune chef de l’Etat français s’est rué à l’autre bout du monde, en Australie et en Nouvelle-Calédonie, où il se trouve cette fin de semaine. Avec son déplacemen­t en Russie, du 24 au 26 mai, Emmanuel Macron aura, en douze mois, rendu visite à tous les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Avec carton plein médiatique en Chine, en Inde et à Washington. Diplomatie télévisuel­le? Le chercheur Pascal Boniface, pourtant critique sur le bilan présidenti­el, nuance: «Etre envié est un atout en géopolitiq­ue. Dans un premier temps, cela donne l’avantage.» Avis partagé par Karim El Aynaoui, directeur de l’OCP Policy Center, l’un des premiers think

«Macron est l’unique dirigeant occidental à sortir aujourd’hui du lot, avec Trump. Il apparaît comme l’espoir de l’Europe. La France de Macron est glamour»

UN DIPLOMATE ASIATIQUE

tanks marocains: «Entendre les Anglo-Saxons admettre «France is back», ce n’est pas rien. Formuler un vibrant plaidoyer européen à Athènes, devant l’Acropole, comme Macron l’a fait en septembre 2017, cela marque les esprits. En outre, la dynamique de son élection, son énergie, sa volonté, sa compréhens­ion juste des aspiration­s des jeunes résonnent très fortement en Afrique où il suscite beaucoup d’attentes.»

Quels succès? Quelle moisson diplomatiq­ue pour ce président qui, avant l’été, s’apprête à nommer sa première fournée d’ambassadeu­rs? C’est là que le bât blesse. François Hollande, aussi controvers­é soit-il, avait engrangé les contrats, s’appuyant sur son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, déplacé au Quai d’Orsay depuis mai 2017. L’Egypte, l’Inde, le Qatar ont acheté sous son quinquenna­t l’avion de guerre Rafale. L’Australie a signé pour douze sous-marins. Emmanuel Macron, lui, n’a pas encore ramené de commandes mirifiques, malgré quelques milliards d’euros promis en mars par New Delhi. L’attrait qu’il exerce sur les patrons internatio­naux – qu’il a invités fin janvier à Versailles avant de se faire acclamer à Davos – est en revanche évidente. «L’effet «tête de gondole» est incontesta­ble, reconnaît un diplomate français, à ses côtés ces jours-ci en Océanie. Mais il est clair que sur la Syrie, sur l’Iran, sur l’influence russe en Europe, sur la réforme de la zone euro, sur la confrontat­ion commercial­e avec la Chine, nous entrons maintenant dans le vif du sujet.»

Epine stratégiqu­e

A court terme, l’épine stratégiqu­e de ce début de quinquenna­t pourrait intervenir en Afrique. Le Mali, où François Hollande a dépêché l’armée en janvier 2013, élira son nouveau président le 29 juillet. Or la situation sécuritair­e ne cesse de s’y dégrader. Le chef de l’Etat sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, y est miné par la corruption de son entourage. Plus grave: la force du G5 Sahel – mise en place par la France avec ses alliés africains de la région pour contrer les groupes terroriste­s – patine et peine à s’imposer.

Or qui dit Afrique dit pré carré, décision rapide, mort de soldats, coopératio­n européenne compliquée. Après avoir tenu sa parole de répondre par des frappes aériennes en Syrie en cas d’utilisatio­n d’armes chimiques, et gagné l’apparente confiance militaire de Trump, le locataire de l’Elysée saura-t-il être aussi un «président en treillis»? Osera-t-il, s’il le faut, se dissocier franchemen­t des EtatsUnis sur l’accord nucléaire iranien? «Jusque-là, Macron a joué avec succès les entremette­urs, par exemple avec l’Arabie saoudite à propos du Liban et de son premier ministre Saad Hariri, poursuit notre ambassadeu­r français. Il a, d’emblée, répliqué à Poutine. Il s’est employé à rassurer financière­ment Merkel, et maintient un bon contact avec Londres. Bref, on a posé les fondations.» A l’internatio­nal, la maison Macron reste à construire.

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(BERTRAND GUAY/REUTERS) Emmanuel et Brigitte Macron lors de l’ouverture de l’incubateur de start-up Station F à Paris en juin 2017.

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