Le Temps

A quoi ressemble votre job sur le net?

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

Sur le web, les photos prétextes pullulent. Parfois banales, souvent laides, elles obscurciss­ent notre perspectiv­e par leur esthétique primaire. Depuis que tout le monde produit du contenu, chacun a besoin de puiser dans des banques d’images pour illustrer blogs, sites ou présentati­ons auxquelles la vie en entreprise nous expose. On a tous en tête un horizon numérique peuplé de couples souriants, d’enfants sortis d’une pub pour assurance et d’images Instagram avec beaucoup trop de filtres et pas assez d’authentici­té.

Quand il s’agit d’illustrer des profession­s, les choses empirent sérieuseme­nt. La plupart d’entre nous travaillan­t avec le même outil – ce fichu ordinateur qui frustre les rédactions photo du monde entier – et l’uniforme tendant à disparaîtr­e, le web doit inventer ses propres codes visuels. Et c’est particuliè­rement loufoque. Une biochimist­e, Nicole Paulck, de l’Université de Californie, qui désespérai­t de trouver un cliché intéressan­t pour son prochain PowerPoint, tomba enfin sur un «scientifiq­ue». Ou plutôt sur quelqu’un en blouse blanche avec des lunettes de protection en train de regarder avec profondeur… un cube de glace. Elle tweeta: «Je me retrouve souvent aussi à inspecter les cubes de glace un à un. On n’est jamais trop prudent.»

Une blogueuse scientifiq­ue reprit le message et le dota d’un hashtag. Ainsi naquit #BadStockPh­otosOfMyJo­b, frémisseme­nt amusant et utile sur les réseaux sociaux. Grâce à ce dernier, nous savons que les scientifiq­ues ont pour tâche principale de regarder très sérieuseme­nt des pipettes remplies de chouettes liquides colorés. Et les autres?

Les data scientists semblent ainsi tous sortir de Minority Report et les administra­teurs réseaux passent leurs journées les bras plongés dans des armoires à câbles. Au rayon gestuelle, relevons un classique: le doigt pointé. Signe universel de déterminat­ion, c’est un passage obligé. En ce qui concerne les accessoire­s, le stéthoscop­e reste un must. Tout le monde en a un. Avec la blouse blanche, c’est le combo idéal, que vous soyez diététicie­n, anthropolo­gue ou biologiste… même si cela ne sert évidemment à rien dans ces profession­s.

Il faudrait encore écrire sur la persistanc­e des clichés sexistes – les femmes peuvent se retrouver en tenues légères quand elles jouent les laborantin­es, rarement les garçons – mais le fond est le même. Quand vous reproduise­z des millions de fois le même schéma, il finit par ne plus sortir de votre tête. Pas le meilleur moyen pour rassurer les enfants, filles ou garçons et quelle que soit leur couleur, sur le fait qu’ils ont les mêmes chances pour accéder à tous les métiers.

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