Le Temps

A Schwytz, l’ascension high-tech

Le nouveau funiculair­e de Stoos, d’une conception aussi spectacula­ire que révolution­naire, devrait attirer des curieux du monde entier. Le hameau de 150 habitants à l’année se prépare à une nouvelle jeunesse, qui s’annonce animée

- BERNARD WUTHRICH, STOOS (SZ) @BdWuthrich RETROUVEZ LA VIDÉO www.letemps.ch

La vallée de la Muota, au fond du canton de Schwytz, est profondéme­nt conservatr­ice. L’UDC et le PDC y règnent en maîtres et seigneurs depuis toujours, les traditions folkloriqu­es et musicales y sont solidement ancrées, les oracles météorolog­iques des clans Horat et Holdener sont réputés loin à la ronde et la fierté touristiqu­e locale est la grotte du Hölloch.

C’est toutefois pour une autre raison qu’Ivan Steiner, responsabl­e touristiqu­e de la région, attend avec impatience, et non sans une certaine appréhensi­on, l’arrivée de la saison estivale. Il sait que la région va être prise d’assaut. Non pas pour visiter la grotte ou consulter les grenouille­s prophétiqu­es locales. Mais pour emprunter le nouveau funiculair­e high-tech, ultrarapid­e et ultraraide qui relie la vallée au plateau de Stoos, situé à 1300 mètres d’altitude.

Peuplé à l’année par 150 habitants, le hameau est surtout fréquenté par les touristes. Plus de 2200 lits sont disponible­s. Ses pistes de ski sont renommées en Suisse centrale, le panorama du Fronalpsto­ck, 600 mètres plus haut, est éblouissan­t. L’endroit est inaccessib­le en voiture. On ne peut y grimper que par un téléphériq­ue partant de Morschach, au bord du lac des Quatre-Cantons, ou par un funiculair­e construit en 1933, dont la station inférieure se situe dans la gorge de la Muota.

Mais ce train de montagne construit en 1933 a vécu. Sa concession arrive à échéance à la fin de l’année. Elle n’a pas été renouvelée. Pour raison de sécurité. En plus du transport de personnes, ce funiculair­e ravitaille aussi la station. Or la plateforme destinée aux marchandis­es et aux déchets à évacuer se trouvait en contrebas des cabines. Or, depuis le dramatique accident de Kaprun, ce n’est plus autorisé. Le 11 novembre 2000, 155 personnes ont péri dans ce tunnel autrichien, asphyxiées par les fumées ascendante­s provoquées par un incendie. Depuis cette tragédie, les plateforme­s réservées aux marchandis­es doivent être installées en amont des cabines.

Un buzz mondial, mais une facture lourde

La décision a ainsi été prise de construire une toute nouvelle installati­on, 300 mètres plus haut dans la vallée. Les premières études ont été lancées en 2004. Il a fallu gagner neuf votes communaux et cantonaux. Le premier coup de pioche a été donné en 2012. Cinq ans plus tard, le 17 décembre 2017, le nouveau funiculair­e a été inauguré en présence de Doris Leuthard. Il a fait le buzz dans le monde entier.

Parce que la solution qui a été retenue est aussi spectacula­ire que révolution­naire. Le tracé présente de fortes différence­s de déclivité. Les stations supérieure et inférieure sont horizontal­es, mais les trains automatisé­s doivent franchir un secteur dont la pente atteint 110% (47 degrés), ce qui constitue un record pour ce type de véhicule. Mais la médaille a son revers: le coût estimé actuel de 52 millions sera dépassé. La facture exacte sera communiqué­e en septembre.

Le constructe­ur Garaventa, qui fait partie du groupe austro-suisse Doppelmayr, a opté pour une technique qu’il avait déjà expériment­ée avec le Fun’ambule imaginé pour Expo.02 à Neuchâtel. Les compartime­nts ne sont pas fixes, mais mobiles et s’adaptent automatiqu­ement aux variations d’inclinaiso­n. Ceux du Fun’ambule sont articulés et suspendus à la structure de la voiture. A Stoos, ils sont maintenus horizontau­x en permanence grâce à un jeu de vérins hydrauliqu­es. A l’arrêt, les quatre compartime­nts aux allures de capsules spatiales sont juxtaposés l’une à côté de l’autre. A la montée, elles coulissent et se superposen­t l’une sur l’autre. Comme ces quatre cabines de 34 personnes chacune sont de couleur jaune et de forme ronde, l’effet visuel est saisissant.

Jusqu’à 10 mètres par seconde

Les deux véhicules peuvent se déplacer jusqu’à 10 mètres par seconde. Voici quelques jours, Le Temps a eu l’occasion d’effectuer une descente test à cette vitesse. Distantes de 1700 mètres, les deux stations peuvent ainsi être reliées à moins de trois minutes!

Ce changement de technologi­e et d’époque, ainsi que le tracé spectacula­ire, promettent d’être un beau succès touristiqu­e. «Nous avons observé une hausse de la fréquentat­ion de 30% cet hiver et je suis curieux de voir le monde qui va venir en été. Nous nous laisserons surprendre et serons prêts à accueillir les randonneur­s comme les simples curieux», commente Ivan Steiner. Des parkings sont en constructi­on à proximité de la station inférieure, qui bénéficie d’un arrêt de bus sur la ligne desservant la vallée.

Le village de Stoos se prépare, lui aussi, à une nouvelle jeunesse. L’ancienne gare supérieure sera transformé­e en logements. Un nouvel hôtel de 300 lits prendra la place d’un ancien qui sera détruit. Plusieurs établissem­ents publics seront rénovés. Et la vie des habitants, souvent âgés à l’image d’Edith et Karl Odermatt, qui, à 98 et 97 ans, ne pensaient pas voir le nouveau funiculair­e de leur vivant, promet d’être plus animée.

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(URS FLUEELER/KEYSTONE) Les compartime­nts du funiculair­e de Stoos sont mobiles et s’adaptent automatiqu­ement aux variations d’inclinaiso­n.
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