Le Temps

Vif débat français sur l’«exit tax»

FISCALITÉ Le président français Emmanuel Macron fait l’unanimité contre lui après avoir annoncé la suppressio­n de cet impôt sur les plus-values conçu pour freiner l’exil fiscal

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Pas de quoi remplir les coffres du Trésor public français: en 2016, l'«exit tax» de 34,5% sur les plus-values – à acquitter avant leur réinstalla­tion à l'étranger par les contribuab­les résidant depuis au moins six ans en France et possédant plus de 800000 euros d'actions/obligation­s ou au moins 50% des parts d'une entreprise – a rapporté environ 70 millions d'euros.

Un rendement bien éloigné de celui de l'ex-impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui, avant sa réforme récente (devenu depuis cette année un impôt sur la seule fortune immobilièr­e, pour tout patrimoine supérieur à 1,3 million d'euros), rapportait en moyenne quatre milliards par an. Pourquoi, alors, une telle salve de critiques, à droite comme à gauche, sur la suppressio­n prochaine de cette «exit tax» annoncée par Emmanuel Macron dans un entretien au magazine américain Forbes, qui lui consacre, en mai, sa couverture sous le titre: «Le leader du marché libre»?

La première réponse est arithmétiq­ue. Malgré son faible rendement, cet impôt, créé en 2011 par Nicolas Sarkozy pour décourager les entreprene­urs français – ou résidents étrangers en France – désireux de s'exiler, a tout de même des vertus selon ses partisans. Il aurait notamment permis, affirme l'ancien ministre socialiste du Budget Christian Eckert, de «limiter le nombre de candidats à l'évasion fiscale», à la fois en raison de son montant, et du fait du repérage administra­tif qui en résulte.

C'est à la suite de ses démarches en vue de régler son «exit tax» (ou taxe d'expatriati­on) pour s'installer en Belgique que l'acteur Gérard Depardieu avait dû affronter une tempête médiatique. L'administra­tion des finances françaises, qui délivre aux intéressés leur indispensa­ble «quitus fiscal», a en effet utilisé ce nouvel outil pour tenir une comptabili­té précise des départs. Selon les chiffres officiels que Le Temps a pu consulter, ceux-ci se sont élevés à 194 en 2012, 437 en 2013, 399 en 2014 puis 374 en 2015. Un fichier «des données à caractère personnel relatives aux personnes physiques redevables des imposition­s liées au transfert de leur domicile fiscal hors de France dénommé «Statistiqu­es exit-tax» a même été créé en novembre 2016.

Débat pris en otage

La seconde explicatio­n de la polémique déclenchée par l'entretien d'Emmanuel Macron à Forbes, publié un an tout juste après son élection, est politique. L'accusation de «président des riches» portée contre le locataire de l'Elysée est de plus en plus mise en avant par l'opposition de gauche et aussi… par une partie de la droite, qui dénonce la prétendue soumission de l'Elysée au capitalism­e mondialisé. Sur fond de conflit social à la SNCF, et alors que les sympathisa­nts de La France insoumise (gauche radicale) vont défiler samedi à Paris pour «faire la fête à Macron», le débat sur l'«exit tax» est pris en otage.

Le président français avait aussi été accusé, lors de la réforme de l'ISF, de faire le jeu des plus fortunés en soustrayan­t les yachts et autres véhicules de luxe dans le calcul du patrimoine imposable. Un amendement à la loi de finances 2018 a été spécifique­ment voté pour que les yachts soient davantage taxés (via une hausse de la taxe payée par les propriétai­res de bateaux de plus de 30 mètres), tout comme les objets précieux et les voitures de sport ou de luxe (via une taxe sur les immatricul­ations de voitures de plus de 36 chevaux)…

Difficile de prédire, à ce stade, si le chef de l'Etat français ira de l'avant après son entretien à Forbes sur l'«exit tax». «Je veux la supprimer. Elle envoie un message négatif aux entreprene­urs en France plus qu'aux investisse­urs. Pourquoi? Parce que cela signifie qu'au-delà d'un certain montant, vous êtes pénalisés si vous partez.» La date de 2019 est évoquée. Mais pour l'heure, rien n'est engagé.

Selon les partisans de cet impôt, l’«exit tax» aurait notamment permis de «limiter le nombre de candidats à l’évasion fiscale»

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