Yves, Niki, Jean et les autres
Il y a dans son travail quelque chose de profondément émouvant, on a un peu l'impression de découvrir là l'enfance de l'art. Il y a, avant la dimension esthétique, la portée documentaire. «Yves Debraine ne s'est jamais pris pour un artiste. Chez lui, le journaliste revient toujours au galop», écrit son fils Yves dans un magazine grand format spécialement édité pour accompagner l'accrochage. De fait, on est happé par ce que racontent ses images. Niki de Saint Phalle au travail, Tinguely installant ses sculptures dans une galerie, Spoerri dans sa chambre qui lui sert à la fois d'atelier et d'espace d'exposition. La photographie en témoin privilégié de l'éclosion d'artistes majeurs, l'Europe et la Suisse a la conquête du marché américain, voilà ce qu'on voit d'abord. Ailleurs, il y a Christo et Jeanne-Claude emballant des vitrines, Claes Oldenburg assis sur son fameux Floor Burger.
Lorsqu'il se promène dans la ville, Yves Debraine photographie aussi bien une scène de crime que Times Square de nuit que le marché portoricain. Il observe également les visiteurs, au MoMA, de l'exposition The Responsive Eye, consacrée à l'art optique. Là encore, c'est le journaliste qui oeuvre. Mais lorsqu'il utilise le nouvel objectif grand angle mis au point par Nikon, le fameux fisheye, oeil de poisson, il se fait soudainement lui aussi artiste. Cet objectif, que l'on peut découvrir à Fribourg, permet la réalisation d'images circulaires aux extrémités distordues, mais permettant d'embrasser un champ très large. Pour le photographe, le Chelsea Hotel est le lieu par excellence pour s'essayer à cette technique nouvelle. Son séjour à Manhattan sera aussi déterminant pour lui qu'il le fut pour Niki de Saint Phalle, Tinguely et Spoerri.
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«Chelsea Hotel New York 1965 – Yves Debraine photographie Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle», Espace Jean Tinguely-Niki de Saint Phalle, jusqu’au 2 septembre.