Le Temps

Donald Trump déchire l’accord nucléaire iranien

Le président américain confirme la sortie des Etats-Unis de l’accord. Il accuse l’Iran de «mensonge». Le risque d’escalade dans la région est grand

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Le président américain, Donald Trump, a annoncé mardi le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, qu’il a qualifié de «désastreux», et le rétablisse­ment des sanctions contre Téhéran

«J’annonce aujourd’hui que les Etats-Unis vont se retirer de l’accord nucléaire iranien», a déclaré hier le président américain, Donald Trump, dans une allocution télévisée depuis la Maison-Blanche. Le républicai­n a annoncé dans la foulée le rétablisse­ment de sanctions économique­s de degré élevé à l’encontre de la République islamique, tout en affirmant que le pays méritait «un meilleur gouverneme­nt» qu’aujourd’hui.

Il a également promis de «graves» conséquenc­es à l’Iran s’il parvenait à se doter de la bombe nucléaire. Sa décision a été immédiatem­ent saluée par le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. «Israël soutient totalement la décision courageuse prise aujourd’hui par le président Trump de rejeter le désastreux accord nucléaire» avec la République islamique, a dit Benyamin Netanyahou en direct à la télévision publique.

C’est un tournant géopolitiq­ue de résonance mondiale. En 2015, sous l’administra­tion de Barack Obama, était signé un accord «permanent» visant à lever les sanctions imposées à l’Iran par les EtatsUnis, l’Union européenne et les Nations unies, exigeant en contrepart­ie que l’Iran restreigne son programme nucléaire à long terme. Donald Trump, qui ne faisait pas mystère de son opposition à cet accord, y a mis fin de manière unilatéral­e.

«Israël soutient totalement la décision courageuse du président Trump» BENYAMIN NETANYAHOU

La perspectiv­e de vives tensions avec ses alliés européens et surtout le risque de pousser Téhéran à relancer son programme nucléaire ne l’ont pas dévié de ses intentions. Donald Trump a confirmé mardi ce que beaucoup redoutaien­t: les Etats-Unis sortiront bien de l’accord sur le nucléaire iranien. Signé en 2015 entre Téhéran et les grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni, Allemagne), le texte avait été conclu après 21 mois d’âpres négociatio­ns.

Depuis sa prise de pouvoir en janvier 2017, le président américain n’avait jamais caché tout le mal qu’il pensait de l’«horrible» accord conclu sous Barack Obama. De facto, sa dénonciati­on revient à rétablir des sanctions économique­s, notamment sur le pétrole, et à piquer le régime iranien au vif. L’Agence internatio­nale de l’énergie atomique, qui surveillai­t l’applicatio­n de l’accord, a pourtant fait savoir à onze reprises que celui-ci était respecté par Téhéran. Le pacte a notamment contraint la République islamique à réduire son stock d’uranium enrichi et à faire baisser sensibleme­nt le nombre de ses centrifuge­uses.

Donald Trump n’a pas mâché ses mots mardi. Il a qualifié l’accord, à la «structure pourrie», de «désastreux», et le régime iranien, «aux ambitions sanguinair­es», de «principal soutien du terrorisme». Il a dénoncé les «milliards de dollars», «parfois versés en cash», tombés entre les mains des dirigeants iraniens. Il menace Téhéran de «graves conséquenc­es» s’il se dote de la bombe nucléaire. Surtout, il l’accuse de «mensonge». «Le prétendu accord devait protéger les Etats-Unis et ses alliés. En fait, il a permis à l’Iran de poursuivre son programme d’enrichisse­ment de l’uranium», a déclaré le président américain. Puis: «Nous avons la preuve définitive que l’engagement iranien [pour un nucléaire pacifique] était un mensonge. Cet accord totalement déséquilib­ré n’aurait pas dû être conclu.» Donald Trump a aussitôt été félicité par le premier ministre israélien.

Brutale mais attendue, la décision américaine intervient à quelques semaines du sommet prévu entre Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-un, censé sceller la fin de la surenchère nucléaire de la Corée du Nord et la dénucléari­sation de la péninsule.

Quelques heures plus tôt, les avertissem­ents pleuvaient, dans une certaine fébrilité. Heiko Maas, le chef de la diplomatie allemande, n’a pas caché redouter qu’un «échec» ne conduise à une «escalade» au Moyen-Orient. Donald Trump voulait réorienter l’accord. Il conteste notamment la levée progressiv­e, à partir de 2025, de certaines restrictio­ns aux activités nucléaires iraniennes, et veut s’en prendre plus directemen­t au programme de missiles balistique­s. Lors de sa récente visite à Washington, le président français Emmanuel Macron était allé jusqu’à évoquer un «nouvel accord» pour tenter de freiner Donald Trump, au risque d’affaiblir le pacte existant. Un coup de fil entre les deux présidents a encore eu lieu ce 8 mai. La chancelièr­e allemande Angela Merkel a également tenté de lui faire changer d’avis. Sans succès.

Pour Donald Trump, fidèle à son slogan «America First», des considérat­ions de politique intérieure prévalent. Pour les Européens, les Russes et les Chinois, le défi est désormais de convaincre les décideurs iraniens de ne pas «déchirer» le pacte à leur tour – le président iranien Rohani a déclaré qu’il ne se retirait pas de l’accord pour l’heure. Mais ce dernier est à moitié mort. Et les incertitud­es sont énormes. Les conservate­urs iraniens ont déjà profité des nombreuses ombres planant sur l’avenir de l’«Iran Deal» ces derniers mois pour renforcer la répression interne.

«Le prétendu accord devait protéger les Etats-Unis et ses alliés. En fait, il a permis à l’Iran de poursuivre son programme d’enrichisse­ment de l’uranium»

DONALD TRUMP

 ?? (SAUL LOEB/AFP) ?? Le président Donald Trump après son annonce de la sortie de l’accord sur le nucléaire iranien, mardi 8 mai.
(SAUL LOEB/AFP) Le président Donald Trump après son annonce de la sortie de l’accord sur le nucléaire iranien, mardi 8 mai.

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