Donald Trump déchire l’accord nucléaire iranien
Le président américain confirme la sortie des Etats-Unis de l’accord. Il accuse l’Iran de «mensonge». Le risque d’escalade dans la région est grand
Le président américain, Donald Trump, a annoncé mardi le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, qu’il a qualifié de «désastreux», et le rétablissement des sanctions contre Téhéran
«J’annonce aujourd’hui que les Etats-Unis vont se retirer de l’accord nucléaire iranien», a déclaré hier le président américain, Donald Trump, dans une allocution télévisée depuis la Maison-Blanche. Le républicain a annoncé dans la foulée le rétablissement de sanctions économiques de degré élevé à l’encontre de la République islamique, tout en affirmant que le pays méritait «un meilleur gouvernement» qu’aujourd’hui.
Il a également promis de «graves» conséquences à l’Iran s’il parvenait à se doter de la bombe nucléaire. Sa décision a été immédiatement saluée par le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. «Israël soutient totalement la décision courageuse prise aujourd’hui par le président Trump de rejeter le désastreux accord nucléaire» avec la République islamique, a dit Benyamin Netanyahou en direct à la télévision publique.
C’est un tournant géopolitique de résonance mondiale. En 2015, sous l’administration de Barack Obama, était signé un accord «permanent» visant à lever les sanctions imposées à l’Iran par les EtatsUnis, l’Union européenne et les Nations unies, exigeant en contrepartie que l’Iran restreigne son programme nucléaire à long terme. Donald Trump, qui ne faisait pas mystère de son opposition à cet accord, y a mis fin de manière unilatérale.
«Israël soutient totalement la décision courageuse du président Trump» BENYAMIN NETANYAHOU
La perspective de vives tensions avec ses alliés européens et surtout le risque de pousser Téhéran à relancer son programme nucléaire ne l’ont pas dévié de ses intentions. Donald Trump a confirmé mardi ce que beaucoup redoutaient: les Etats-Unis sortiront bien de l’accord sur le nucléaire iranien. Signé en 2015 entre Téhéran et les grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni, Allemagne), le texte avait été conclu après 21 mois d’âpres négociations.
Depuis sa prise de pouvoir en janvier 2017, le président américain n’avait jamais caché tout le mal qu’il pensait de l’«horrible» accord conclu sous Barack Obama. De facto, sa dénonciation revient à rétablir des sanctions économiques, notamment sur le pétrole, et à piquer le régime iranien au vif. L’Agence internationale de l’énergie atomique, qui surveillait l’application de l’accord, a pourtant fait savoir à onze reprises que celui-ci était respecté par Téhéran. Le pacte a notamment contraint la République islamique à réduire son stock d’uranium enrichi et à faire baisser sensiblement le nombre de ses centrifugeuses.
Donald Trump n’a pas mâché ses mots mardi. Il a qualifié l’accord, à la «structure pourrie», de «désastreux», et le régime iranien, «aux ambitions sanguinaires», de «principal soutien du terrorisme». Il a dénoncé les «milliards de dollars», «parfois versés en cash», tombés entre les mains des dirigeants iraniens. Il menace Téhéran de «graves conséquences» s’il se dote de la bombe nucléaire. Surtout, il l’accuse de «mensonge». «Le prétendu accord devait protéger les Etats-Unis et ses alliés. En fait, il a permis à l’Iran de poursuivre son programme d’enrichissement de l’uranium», a déclaré le président américain. Puis: «Nous avons la preuve définitive que l’engagement iranien [pour un nucléaire pacifique] était un mensonge. Cet accord totalement déséquilibré n’aurait pas dû être conclu.» Donald Trump a aussitôt été félicité par le premier ministre israélien.
Brutale mais attendue, la décision américaine intervient à quelques semaines du sommet prévu entre Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-un, censé sceller la fin de la surenchère nucléaire de la Corée du Nord et la dénucléarisation de la péninsule.
Quelques heures plus tôt, les avertissements pleuvaient, dans une certaine fébrilité. Heiko Maas, le chef de la diplomatie allemande, n’a pas caché redouter qu’un «échec» ne conduise à une «escalade» au Moyen-Orient. Donald Trump voulait réorienter l’accord. Il conteste notamment la levée progressive, à partir de 2025, de certaines restrictions aux activités nucléaires iraniennes, et veut s’en prendre plus directement au programme de missiles balistiques. Lors de sa récente visite à Washington, le président français Emmanuel Macron était allé jusqu’à évoquer un «nouvel accord» pour tenter de freiner Donald Trump, au risque d’affaiblir le pacte existant. Un coup de fil entre les deux présidents a encore eu lieu ce 8 mai. La chancelière allemande Angela Merkel a également tenté de lui faire changer d’avis. Sans succès.
Pour Donald Trump, fidèle à son slogan «America First», des considérations de politique intérieure prévalent. Pour les Européens, les Russes et les Chinois, le défi est désormais de convaincre les décideurs iraniens de ne pas «déchirer» le pacte à leur tour – le président iranien Rohani a déclaré qu’il ne se retirait pas de l’accord pour l’heure. Mais ce dernier est à moitié mort. Et les incertitudes sont énormes. Les conservateurs iraniens ont déjà profité des nombreuses ombres planant sur l’avenir de l’«Iran Deal» ces derniers mois pour renforcer la répression interne.
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«Le prétendu accord devait protéger les Etats-Unis et ses alliés. En fait, il a permis à l’Iran de poursuivre son programme d’enrichissement de l’uranium»
DONALD TRUMP