Le Temps

La paralysie menace l’Italie politique

Le président de la République, Sergio Mattarella, a proposé la formation d’un gouverneme­nt technique pour sortir son pays de la paralysie politique. Mais les partis ont déjà refusé la propositio­n

- ANTONINO GALOFARO, ROME @ToniGalofa­ro

Face à l’impossibil­ité qu’ont les partis de son pays à s’entendre, le président de la République a proposé la formation d’un gouverneme­nt dit «technique». Mais il n’est même pas certain que celui-ci passe la rampe.

Que l’Italie ait une voix et un visage! Le président de la République, Sergio Mattarella, a ce seul objectif en tête pour permettre à son pays de défendre ses intérêts sur le plan internatio­nal et de gérer ses affaires courantes à l’interne. Après avoir pris acte lundi de l’incapacité des partis de s’entendre sur la formation d’un exécutif politique, plus de deux mois après les élections législativ­es, il s’est attelé au choix d’un président du Conseil apolitique et d’un gouverneme­nt «neutre et de service».

Des échéances importante­s à honorer

Mais le plan de l’arbitre de cette partie politique est très fragile. Il sera soumis au vote de confiance du parlement, selon un calendrier encore à définir. Or le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue ont rejeté aussitôt cette solution. Les deux forces anti-système, vainqueurs autoprocla­més du scrutin du 4 mars, représente­nt à eux seuls plus de la moitié des parlementa­ires. Leur choix entraînera­it donc des élections anticipées en juillet ou au début de l’automne.

Sergio Mattarella connaissai­t parfaiteme­nt ces positions, détaillées lors de trois tours de consultati­ons entre le Quirinal, siège de la présidence de la République, et les partis. Il insiste néanmoins sur la formation d’un gouverneme­nt technique, rejeté dès le lendemain du scrutin, pour éviter à tout prix la paralysie des institutio­ns italiennes.

Le président a rappelé quelques échéances importante­s à honorer. En Europe d’abord, avec le Conseil européen des 28 et 29 juin, qui se penchera sur le thème de l’immigratio­n. La Péninsule insiste depuis des années sur une meilleure répartitio­n des migrants entre tous les pays du continent et sur une réforme du système de Dublin, qui oblige les réfugiés à déposer leur demande d’asile dans le pays d’arrivée. Si le nombre de débarqueme­nts a radicaleme­nt chuté par rapport à 2017 et 2016, des milliers de migrants ont continué d’aborder cette année les côtes italiennes.

L’Italie s’inquiète aussi des coupes menaçant l’agricultur­e dans le budget européen de la période 2021-2027. Si la Péninsule est un contribute­ur net de l’Union européenne, elle continue de recevoir beaucoup d’aides com- munautaire­s destinées au Sud, où la crise économique a frappé bien plus fort qu’au Nord. Sergio Mattarella ne voit pas comment Rome pourrait défendre ses intérêts si le pays rentre en même temps dans une nouvelle campagne électorale.

Sur le plan national enfin, le président craint que la loi de finances 2019 ne soit pas adoptée à temps en l’absence d’un gouverneme­nt. Cela entraînera­it une augmentati­on automatiqu­e de la TVA au 1er janvier et exposerait le pays aux «offensives de la spéculatio­n financière sur les marchés internatio­naux». Sans compter les problèmes endémiques, comme la dette publique, parmi les plus élevées d’Europe.

Le choix d’un gouverneme­nt technique pour faire face à ces échéances n’est pas l’option favorite du président mais celle par défaut. Sergio Mattarella tient en principe à offrir à l’Italie un exécutif qui soit le reflet du choix des électeurs. Si son équipe passe le défi du vote de confiance, elle devra mener le pays à de nouvelles élections. La date de péremption du gouverneme­nt technique est déjà fixée pour la fin de l’année.

Mais que les Italiens retournent aux urnes en juillet prochain ou en 2019, le risque que cette situation de paralysie se répète est élevé.

Un panorama à trois pôles, source du blocage

Rien n’indique que l’utilisatio­n de la loi électorale actuelle ne produira pas de nouveau un panorama électoral à trois pôles, source du blocage: le M5S, premier parti d’Italie; un centre droit mené par la Ligue de Matteo Salvini dans une alliance avec la droite modérée de Forza Italia et Silvio Berlusconi; et un centre gauche, grand perdant des élections du 4 mars mais représenta­nt tout de même près d’un quart de l’électorat.

Ces forces politiques ont été invitées lundi à continuer de chercher un accord, solution favorite du président. Mais, selon le quotidien L’Espresso, l’Italie vit non pas une crise de gouverneme­nt mais «quelque chose de plus alarmant: une crise du système», accentuée par le manque de «sens des responsabi­lités des partis et par leur leader névrosé, narcissiqu­e, égocentriq­ue».

Une irritation partagée par Sergio Mattarella à l’heure de recevoir, mardi, les joueurs de la Juventus et du Milan, finalistes de la Coupe d’Italie de football. «L’arbitre peut bien mener le match s’il est aidé par des joueurs corrects», a-t-il lâché, dans des propos rapportés par la presse transalpin­e.

PRÉSIDENT

DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE

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SERGIO MATTARELLA

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