Le procureur de New York rattrapé par le mouvement #MeToo
Accusé de violences par quatre femmes, le démocrate Eric Schneiderman, jusqu’ici dépeint comme un fervent défenseur de la cause féministe, a annoncé sa démission
Pendant que des célébrités défilaient lundi soir au Met Gala de Manhattan dans les tenues les plus excentriques sur le thème de la religion, le procureur de l’Etat de New York s’attelait à une tâche bien moins amusante: écrire sa lettre de démission. Eric Schneiderman, l’homme qui voulait la peau du producteur Harvey Weinstein pour des affaires de harcèlements sexuels et de viols, est à son tour rattrapé par le mouvement #MeToo. Quatre femmes l’accusent de violences.
Ce sont des révélations du New Yorker qui ont mis fin à sa carrière. Quatre femmes, dont deux qui témoignent à visage découvert, racontent les violences subies dans un article très détaillé signé par Jane Mayer et Ronan Farrow. Ce dernier, fils de Woody Allen et de Mia Farrow, vient de recevoir, avec deux journalistes du New York Times, un Prix Pulitzer pour le travail effectué sur l’affaire Weinstein.
Michelle Manning Barish et Tanya Selvaratnam affirment avoir été frappées à plusieurs occasions, alors qu’elles avaient une liaison avec le procureur, souvent quand Eric Schneiderman était sous l’emprise de l’alcool. Elles auraient également été menacées de mort pour qu’elles ne le quittent pas. «C’était horrible. C’est arrivé par surprise. […] J’ai perdu mon équilibre et je suis tombée sur le lit. […] Je me suis relevée pour le pousser et il m’a repoussée sur le lit. Il a utilisé le poids de son corps pour me maintenir et a commencé à m’étrangler, raconte Michelle Manning Barish au New Yorker. C’était très dur.» Elle s’en était ouverte à plusieurs amis, dont son ex-amant Salman Rushdie, qui témoigne dans l’article.
Des «jeux de rôles»
Auteure d’un livre sur l’infertilité, comédienne et productrice, Tanya Selvaratnam porte des accusations tout aussi graves. Elle le décrit comme un «Dr Jekyll et Mr Hyde», et se dit particulièrement dégoûtée qu’il soit dépeint comme un champion de la cause des femmes «alors qu’il en abuse en privé».
Ces révélations sont d’autant plus fracassantes que le procureur démocrate, qui est régulièrement monté au front contre Donald Trump et son administration, apparaissait jusqu’ici comme un grand allié de #MeToo.
Dans sa lettre, acculé, Eric Schneiderman réfute ces «accusations graves». «Si elles ne sont pas liées à ma conduite professionnelle ou aux activités de mes services, elles m’empêcheront de diriger le travail du bureau de procureur en cette période critique», conclut-il néanmoins. Il admet toutefois des «jeux de rôle», dans le cadre «d’activités sexuelles consensuelles». Mais nie toute agression ou relation sexuelle forcée.
Lundi soir, très rapidement après les révélations du journal, le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, avait demandé sa démission. Eric Schneiderman, 63 ans, l’a annoncée trois heures seulement après la publication de l’article accusateur sur le site du New Yorker. Ce mardi était son dernier jour de travail. L’homme était procureur depuis 2010.
Le 16 avril dernier, lorsqu’un Pulitzer a été décerné pour l’affaire Weinstein, il tweetait encore: «Sans le travail du New York Times et du New Yorker – ainsi que des femmes et des hommes courageux qui ont pris la parole pour dénoncer le harcèlement sexuel enduré de la part d’hommes puissants – le débat national et critique en cours n’aurait pas eu lieu.»
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