Le Temps

Des fourmis grandes voyageuses

- PROPOS RECUEILLLI­S PAR FRANÇOIS MANGE

Certaines espèces de fourmis colonisent un nombre croissant de régions, selon une étude conduite par des chercheurs de l’Unil

Transporté­es par l’homme hors de leur territoire d’origine, certaines espèces de fourmis se sont muées en grandes voyageuses, selon une étude parue ce lundi dans PNAS. Cleo Bertelsmei­er, première auteure et chercheuse du départemen­t d’écologie et évolution de l’Université de Lausanne, explique comment «ces petits insectes, qui n’attirent pas tant l’attention de M. Tout-le-Monde», peuvent coloniser des écosystème­s.

En quoi consiste votre étude? Je me suis demandé comment les espèces de fourmis invasives sont transporté­es par l’humain à l’échelle mondiale. Sur plus de 13000 espèces de fourmis connues à ce jour, on estime qu’il y en a environ 200 qui se sont établies en dehors de leur milieu naturel. Les fourmis voyageant le plus ont en commun une petite taille, un régime alimentair­e varié et pas de structure de colonie très complexe. Nombre de ces fourmis sont par ailleurs capables de cohabiter avec des membres d’autres colonies, pouvant mener à la formation de supercolon­ies qui peuvent s’étendre sur des milliers de kilomètres, comme c’est le cas pour les fourmis d’Argentine qui s’étendent du Portugal à l’Italie. En analysant des données collectées dans les ports maritimes et les aéroports des États-Unis et de Nouvelle-Zélande, j’ai observé qu’une grande majorité des espèces transporté­es par l’homme ne proviennen­t pas de leur territoire d’origine, mais de régions précédemme­nt colonisées. C’est notamment le cas dans 75% et 90% des fourmis entrant respective­ment aux EtatsUnis et en Nouvelle-Zélande. Ces résultats laissent présager une augmentati­on des invasions biologique­s sur le globe dans le futur, ce qui n’est pas très bon signe.

Pourquoi? Pour la biodiversi­té. Les espèces indigènes peuvent se voir supplantée­s et, en fonction de leur agressivit­é, les espèces invasives pourraient avoir un impact sur divers types d’insectes ou même de petits mammifères, dans le cas d’espèces telles que la fourmi de feu. Aux Etats-Unis par exemple, on estime le coût global des dégâts infligés par des fourmis à 6 milliards de dollars par année.

Qu’en est-il de la Suisse? La Suisse n’est pas épargnée, on vient de découvrir une espèce de fourmis invasives à Cully et à Saint-Sulpice! De petite taille et avec des centaines de reines dans le même nid, leur capacité à se rassembler et à former un nuage brouillant d’activité a par ailleurs incité certains habitants de la région à appeler les biologiste­s à la rescousse. Si les dégâts associés à cette nouvelle espèce se limitent pour l’instant à des pleurs d’enfants, rentrant de la récréation couverts de fourmis, il est très important de découvrir l’origine de celles-ci et de déterminer leur potentiel de propagatio­n.

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