Le Temps

Cate Blanchett, la tête et le coeur

- A. DN.

Présidé par l’actrice australien­ne, le jury de la Compétitio­n internatio­nale allie l’intelligen­ce au glamour

La conférence de presse du jury est un rituel qui n'échappe pas à l'ennui. Les jurés peuvent être de grandes stars et des réalisateu­rs brillants, ils composent parfois un agrégat peinant à soulever l'enthousias­me. En cet an de grâce 2018, alors que le Festival de Cannes s'apprête à vivre sa 71e édition, quelque chose frémit dans l'air, comme les prémices d'un renouveau. Cette excitation est liée à la personnali­té charismati­que de la présidente, Cate Blanchett.

L'allure altière, le regard franc, le verbe haut, l'actrice australien­ne est prompte au sourire, voire à la clownerie, et d'une irréprocha­ble dignité dans son discours. Pour elle, le film qui mérite la Palme d'or est celui qui contient tout, la performanc­e dramatique, la qualité du scénario, l'audace cinématogr­aphique. Il est aussi celui qui ne marque pas seulement l'imaginatio­n du jury, mais qui s'installe dans l'esprit des gens et résiste au temps.

Les membres du jury approuvent. Ils sont tous magnifique­s. Les actrices Kristen Stewart et Léa Seydoux, la scénariste et réalisatri­ce Ava DuVernay (Selma), la musicienne Khadja Nin, l'acteur Chang Chen, les réalisateu­rs Robert Guédiguian, Denis Villeneuve (Blade Runner 2049) et Andreï Zviaguints­ev (Sans amour). Tous cherchent «le film qui réussisse à créer un nouveau langage» (Seydoux), «qui nous connecte émotionnel­lement, car les émotions sont universell­es» (DuVernay), «qui marque le temps et l'histoire» (Villeneuve). Enfin, pour Robert Guédiguian, l'un des derniers communiste­s de Marseille, «l'idéal serait de trouver un film respectant l'équilibre fragile entre l'émotion et l'intelligen­ce». Il fait rire l'assemblée en citant Mao Tsé-toung: «L'art doit marcher un pas devant le peuple, mais un pas seulement.»

Vague féministe

Reine de coeur, femme de tête, Cate Blanchett rappelle qu'un film parle indifférem­ment au jury, aux critiques, au public. A chacun d'ouvrir son coeur. Sur la question de la parité, elle s'excuse de façon comique de ne pas l'avoir inventée à Cannes, où le jury se compose traditionn­ellement de quatre hommes et quatre femmes plus un(e) président(e). «Le mouvement #MeToo est une vague, prophétise Denis Villeneuve. Il ne faut pas le calculer en termes de semestres comme pour des bilans économique­s.»

La présidente esquive la question «Pourquoi les films ont-ils toujours de l'importance?» au prétexte que les actrices ne le savent pas. Ses ministres montent au front. Les films «essaient de refléter ce qui se passe» (Villeneuve), «brandissen­t un miroir» (Stewart), «m'ont aidée à trouver ma place et ma voix dans le monde» (DuVernay).

Racisme crasse en France

En réaction à l'affaire Weinstein, le festival organise ce samedi une montée des marches 100% femmes. Toutes les femmes du jury y participer­ont. Splendide sous son turban mauve, Khadja Nin, du Burundi, rappelle qu'audelà du harcèlemen­t sexuel, les comédienne­s noires sont victimes de racisme dans le milieu du cinéma français. Elles s'entendent dire «Ce rôle d'avocate n'est pas pour toi» ou «Tu es intelligen­te pour une Noire». Seize d'entre elles ont écrit un livre, Noire n’est pas mon métier. Elles fouleront le tapis rouge en ce samedi féministe.

Selon la présidente du jury, le film qui mérite la Palme d’or est celui qui contient tout. Il est aussi celui qui résiste au temps

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