Le Temps

L’ONU Genève va délocalise­r 46 postes à Budapest

- STÉPHANE BUSSARD @BussardS

Le secrétaria­t général des Nations unies à New York veut concentrer certaines activités administra­tives sur trois sites, Budapest, Mexico et Nairobi

Quarante-six postes administra­tifs du Palais des Nations à Genève vont être délocalisé­s à Budapest à partir du 1er janvier 2019. Cette mesure, qui doit encore être confirmée par une décision des Nations unies à New York en juin prochain, découle d’une réforme entamée sous le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, mais qui s’inscrit comme un élément clé du programme de rationalis­ation annoncé par son successeur, Antonio Guterres.

Le projet de délocalisa­tion intitulé «Dispositif de prestation de services centralisé­e (GSDM)» vise à concentrer les services administra­tifs onusiens traitant des ressources humaines, des paiements, des voyages ainsi que la passation de marchés. Les délocalisa­tions toucheront d’autres sites onusiens chargés de tâches administra­tives pour le secrétaria­t général de l’ONU. Au total, elles concernero­nt 687 postes. Des 18 sites actuels, il n’en restera plus que trois: Mexico, Budapest et Nairobi.

Secrétaire exécutive du Conseil de coordinati­on du personnel de l’Office des Nations unies à Genève, Prisca Chaoui ne cache pas son courroux: «Genève est le deuxième centre le plus important de l’ONU. On nous parle d’économies, mais nous avons nos doutes.» Prisca Chaoui rappelle que le personnel des Nations unies à Genève vient d’être touché par des mesures d’économies. Une baisse de salaire de 5,1% a été mise en oeuvre pour une bonne partie du personnel. «C’est une nouvelle décision qui va peser sur le moral des troupes», ajoute la secrétaire exécutive.

Le français, dindon de la farce?

Ce qui indispose aussi le Conseil de coordinati­on du personnel, ce sont les choix de trois sites dont aucun n’affiche le français comme langue officielle. Or, regrette Prisca Chaoui, contrairem­ent aux promesses faites à New York, le français sera la grande victime du programme de rationalis­ation. Elle doute que le personnel engagé localement dans la capitale hongroise n'ait des compétence­s linguistiq­ues particuliè­res en français. A ses yeux, le plan de délocalisa­tion «entraîne la mort lente de l’usage du français au Secrétaria­t de l’ONU». Elle est convaincue qu’il aura des conséquenc­es fâcheuses sur la gestion des missions de maintien de la paix en Afrique francophon­e.

Contacté par Le Temps, le représenta­nt permanent de l’Organisati­on internatio­nale de la francophon­ie (OIF) auprès de l’ONU à Genève, Henri Monceau, partage les mêmes craintes. «Quand on parle de multilingu­isme dans le cadre onusien, on évoque surtout la partie émergée de l’iceberg, à savoir la relation de l’ONU avec les Etats membres. On s’occupe par contre beaucoup moins du fonctionne­ment interne des services onusiens.» Henri Monceau parle même de «dérive» à voir le nombre de hauts fonctionna­ires qui ne maîtrisent que l’anglais, en particulie­r dans le domaine des droits de l’homme. Fait révélateur: il y a quelques mois, l’ONU envisageai­t de réduire à une langue, l’anglais, les textes rédigés dans le cadre des organes de traités de droits de l’homme. «Oui, c’est une mort lente du français dans le cadre du fonctionne­ment de l’ONU», déplore le représenta­nt permanent de l’OIF.

La délocalisa­tion de 46 postes à Budapest passe mal auprès de Prisca Chaoui pour une autre raison: «Il est ironique qu’on déplace du personnel internatio­nal dans un pays, la Hongrie, qui, ces temps-ci, dénigre le multilatér­alisme et opte pour une politique très dure en matière d’immigratio­n.»

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