Le Temps

Le mensonge par omission d’Isabelle Moret

- SYLVAIN BESSON @SylvainBes­son

La conseillèr­e nationale PLR gagne beaucoup plus que les 310 000 francs annuels annoncés lors de sa candidatur­e au Conseil fédéral

La situation financière et fiscale d’Isabelle Moret se complique. Un arrêt du Tribunal fédéral publié à la fin de l'an dernier révèle que ses revenus sont nettement plus élevés que ce qu’elle avait annoncé lors de sa candidatur­e au Conseil fédéral, à l’été 2017.

Interrogée alors par le quotidien zurichois Tages-Anzeiger, la conseillèr­e nationale PLR avait indiqué un chiffre d’affaires de quelque 310000 francs, issu de son activité d’avocat-conseil indépendan­te. L’arrêt du Tribunal fédéral y ajoute plus de 100000 francs annuels, versés au titre de pension alimentair­e par son mari, dont elle est en train de divorcer. Une somme qu’Isabelle Moret perçoit depuis 2015, avec quelques fluctuatio­ns.

Toucher une pension de ce type est usuel lors d’un divorce, puisque Isabelle Moret a pour le moment obtenu la garde de ses enfants, une décision d'ailleurs confirmée par le Tribunal fédéral. Le problème, c’est que la conseillèr­e nationale avait aussi déclaré l’été dernier qu’elle gagnait moins que ses deux rivaux dans la course au Conseil fédéral, Ignazio Cassis (finalement élu au gouverneme­nt) et Pierre Maudet.

Déduction de 50%

Or, si l’on ajoute la pension alimentair­e qu’Isabelle Moret touchait déjà à l’époque, la situation s’inverse. Des trois candidats PLR, Isabelle Moret était en fait celle qui gagnait le plus: quelque 410000 francs par an. Contre 225000 francs pour Pierre Maudet et environ 350000 pour Ignazio Cassis, selon les calculs effectués alors par le Tages-Anzeiger. Interrogée par Le Temps sur cette contradict­ion, et l’omission à l’époque de sa pension alimentair­e, Isabelle Moret se refuse à tout commentair­e public. Elle invoque la procédure de divorce en cours, ainsi qu’une procédure fiscale encore pendante, pour justifier son mutisme. «Je reçois une pension alimentair­e, indique-t-elle simplement. Je ne peux pas m'exprimer sur ce sujet qui relève de la sphère privée de mon futur ex-mari et surtout de celle de mes enfants.»

Elle indique en revanche que sa situation vis-à-vis des impôts vaudois devrait être rapidement clarifiée. Sa taxation définitive pour 2016 devrait intervenir d’ici à l’été, indique-t-elle, mettant fin à presque dix ans de flou fiscal.

Isabelle Moret produit aussi une attestatio­n d’une fiduciaire lausannois­e, indiquant qu’elle «a remis tous les documents et renseignem­ents nécessaire­s pour répondre aux demandes de l’Administra­tion cantonale des impôts portant sur les années 2009 à 2016». Depuis 2009 en effet, Isabelle Moret n’a pas reçu d’avis de taxation, situation qu’elle explique notamment par son divorce et divers déménageme­nts.

Mais les déductions qu’elle réclame au fisc jouent aussi un rôle. Grâce à son activité d’avocat-conseil et divers mandats (Swissgrid, Hôpitaux de Suisse, Retraites populaires, Fédération des industries alimentair­es), la conseillèr­e nationale gagne plus de 300000 francs par an. Une somme dont seulement la moitié est imposable, selon elle.

Point délicat

Ce taux de 50% de déduction fiscale est habituel chez les avocats – les grosses études peuvent même réclamer des rabais plus élevés, de l’ordre de 70%. Mais le cas d’Isabelle Moret est spécial, puisqu’elle demande la déduction des salaires de ses assistants parlementa­ires.

Cette activité politique peut-elle être déduite au même titre que des frais commerciau­x, comme le loyer de son bureau, par exemple? «C’est un point délicat», estime un avocat fiscaliste qui a de fréquents contacts avec l’administra­tion vaudoise des impôts.

De fait, celle-ci a pris tout son temps pour examiner le cas d’Isabelle Moret. Selon nos informatio­ns, le fisc vaudois a demandé des renseignem­ents à l’élue sur ses déductions en décembre 2015. Celle-ci n’a répondu qu’en janvier 2017. Encore insatisfai­t, le fisc l’a relancée en… décembre 2017. Ce simple échange de lettres a donc pris deux ans.

Traitement au plus haut niveau

«Normalemen­t, les délais pour répondre à l’Office des impôts de district et de 20 à 30 jours, précise le fiscaliste précité. Le maximum, ça peut être six mois. Mais il est absolument inhabituel que ce soit plus.»

Le cas d’Isabelle Moret est désormais traité au plus haut niveau de l’Administra­tion cantonale des impôts, notamment par le directeur de la division de la taxation, Pierre Dériaz. Quant à la conseillèr­e nationale, elle promet de donner de plus amples explicatio­ns sur sa situation financière et fiscale au moment où sa taxation définitive pour 2016 sera connue, peut-être avant l’été.

Isabelle Moret le sait: son rôle de locomotive électorale du PLR vaudois en vue des élections fédérales de 2019 est désormais en jeu.

CONSEILLÈR­E NATIONALE PLR/VD

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ISABELLE MORET

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