Le Temps

Le champion suisse des explosifs se tourne vers la chimie

- GHISLAINE BLOCH @BlochGhisl­aine

Les activités industriel­les de la SSE à Brigue s’étendent sur 600 000 mètres carrés et 2 kilomètres de long.

Basée à Brigue, la Société suisse des explosifs est active depuis plus de 120 ans. Pour accroître ses activités dans la chimie fine, elle a besoin d’attirer des spécialist­es dans le Haut-Valais, ce qui n’est pas toujours facile

A Brigue, sur son site à Gamsen, la Société suisse des explosifs (SSE) a décidé de sortir de sa réserve et de gagner en visibilité auprès du grand public. Elle espère ainsi rapatrier des chimistes dans le Haut-Valais. «Pour attirer des talents à Brigue, ce n’est pas toujours facile. D’une part, de moins en moins de chimistes sont formés. D’autre part, il n’est pas évident de rivaliser avec d’autres employeurs, comme les sociétés pharmaceut­iques dans la région bâloise ou Lonza à Viège», explique son administra­teur-délégué, Dany Antille.

Pourtant, la SSE est une entreprise plus que centenaire, leader dans son domaine. Elle concocte depuis plus de 120 ans des mélanges destinés à percer des tunnels ou creuser des carrières. Elle figure aussi sur la liste des fournisseu­rs agréés de l’Agence spatiale européenne pour les fusées Ariane 4 et 5.

Les activités industriel­les de cette entreprise s’étendent sur 600000 mètres carrés et 2 kilomètres de long. Les bâtiments petits et grands – environ une centaine – sont espacés. «Une distance nécessaire pour limiter les dégâts en cas d’accident. Depuis que j’ai rejoint l’entreprise il y a trente ans, nous avons déploré deux accidents, dont un mortel», regrette Dany Antille, qui est aussi copropriét­aire de cette entreprise qui compte 600 actionnair­es privés, à l’exemple de Nebag ou de plusieurs caisses de pension.

Forte croissance

Le groupe SSE ne cesse de croître depuis cinq ans. Il compte 600 collaborat­eurs en Suisse et en Europe, contre 123 en 2012. Sur son site de Brigue, l’entreprise emploie 100 personnes, des effectifs qui restent relativeme­nt stables.

Le chiffre d’affaires est passé de 56 millions de francs en 2012 à 127 millions. Cette rapide progressio­n a été enregistré­e grâce à deux acquisitio­ns majeures réalisées en 2013 et 2016. L’entreprise haut-valaisanne est du même coup devenue un groupe industriel actif dans neuf pays européens, dont les actions peuvent être échangées sur l’OTC-X à Berne, sous le nom de SSE Holding SA.

Le groupe SSE ne cesse de croître depuis cinq ans. Il compte 600 collaborat­eurs en Suisse et en Europe, contre 123 en 2012

Pour répondre au développem­ent de l’entreprise, le groupe SSE a récemment procédé à un changement au niveau de la direction. Gilles de Preux a été nommé directeur général, remplaçant Dany Antille, qui se consacre dorénavant au développem­ent stratégiqu­e. Le groupe est présidé par Raymond Loretan – également président des cliniques Genolier.

4000 tonnes d’explosifs en Suisse

En Suisse, 4000 tonnes d’explosifs sont utilisées chaque année, un chiffre qui reste relativeme­nt stable. «Nous fournisson­s nos explosifs à nos clients qui sont munis de permis, obtenus au prix d’une formation agréée par la Confédérat­ion. Certains clients préfèrent faire appel à nos services en matière de technique de minage. Nous nous déplaçons avec nos camions, qui sont de véritables petites usines mobiles sécurisées, fournissan­t des explosifs», explique Dany Antille.

Présent dans toute l’Europe grâce à la reprise d’une partie des activités de son concurrent australien Orica ainsi que de celles des usines du groupe français EPC, l’entreprise plus que centenaire cherche désormais à accroître ses activités dans la chimie fine, via sa société Valsynthes­e. Elle vend déjà ses principes actifs à l’industrie pharmaceut­ique, tant en Suisse qu’au niveau mondial.

«Cette activité représente actuelleme­nt 10% de notre chiffre d’affaires. Elle pourrait atteindre 25 à 30% des ventes à moyen terme, prévoit Dany Antille. Nous espérons enregistre­r un chiffre d’affaires de près de 180 millions de francs d’ici quatre ans et compter jusqu’à 150 personnes sur notre site de Brigue.»

Désintérêt pour la pyrotechni­e

«Nos clients viennent nous voir car nous maîtrisons certaines réactions chimiques qui peuvent s’avérer dangereuse­s, ajoute Dany Antille. Nos réactions spécifique­s sont dites à haut potentiel énergétiqu­e, et notre savoirfair­e en la matière est reconnu. Les exemples les plus parlants sont la nitration (avec acide nitrique) ou la phosgénati­on (réaction avec du chlore et monoxyde de carbone). Ces réactions, nous les produisons dans nos réacteurs dans le but de faire une molécule demandée entre autres par l’industrie pharmaceut­ique. Une fois les mélanges inertes, ils ne sont plus dangereux et peuvent entrer dans la compositio­n de médicament­s.»

Ainsi, on retrouve le savoir-faire de la PME valaisanne dans des patchs vasodilata­teurs à base de nitroglycé­rine ou dans un médicament fréquemmen­t utilisé en France pour les troubles digestifs: le citrate de bétaïne.

La société, qui travaille aussi pour des parfumeurs, se désintéres­se en revanche de plus en plus de la pyrotechni­e, face à une concurrenc­e chinoise qui produit 95% des feux d’artifice au niveau mondial. Cette activité ne représente plus que 2% du chiffre d’affaires de la SSE.

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(PEDRO RODRIGUES)

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