LA DURE BOHÊME DE SÉBASTIEN MEIER
Elias, journaliste, est travesti à ses heures, sous le nom de La Garçonne
L’écrivain romand conçoit un thriller politique dans une région imaginaire, mais néanmoins très proche
◗ Deux crimes ont lieu dans la forêt de Bohême, au coeur d’un parc naturel, qu’imagine l’écrivain romand Sébastien Meier. Une universitaire est sauvagement assassinée, son assistant décède à la suite, de deux balles dans la tête. La brutalité des crimes choque ce pays exemplaire de tranquillité, dont les forces de police ont même posé les armes. A ce moment-là, le pays – la Bohême, donc – est secoué par un scandale politique majeur. Elias, journaliste, a révélé les accointances entre des responsables politiques et Monstlé, l’avide multinationale. Au reste, Elias vit au Rafiot, un bastion alternatif. Il est lui-même travesti à ses heures, sous le nom de La Garçonne.
LA MONTÉE EN PUISSANCE D’UN PARTI NATIONALISTE
L’affaire éclate alors que la Bohême vacille sous les coups de boutoir d’un parti ultranationaliste, qui pourrait gagner des voix au prochain scrutin. La paisible contrée subit des tensions centrifuges. Et Elias apprend que la chercheuse avait tenté de le contacter. Sa mort aurait-elle quelque chose à voir avec les tensions actuelles?
Après sa sombre trilogie close par L’ordre des choses, chez Zoé, Sébastien Meier change d’univers. Il prend un grand bol d’air, puisque son histoire est bien inscrite dans les forêts alpines. Sa Bohême, qui semble correspondre à peu près à la région d’Europe centrale, est tout en vallons, lacs et petits chefs-lieux. C’est aussi une monarchie, mais la reine n’a guère de pouvoir.
La tranquillité des lieux pourrait faire penser à la Suisse, d’autant que le jeu de mots «Monstlé» évoque en partie un géant basé à Vevey. Pourtant, la Suisse est mentionnée, elle existe donc par elle-même, non loin de cette Bohême. Celle-ci paraît en fait plus ordonnée encore que l’actuelle Confédération, comme si elle en était une projection un peu rêvée, au départ. Car dans cette cité forestière, la criminalité atteint des bas historiques. Les forces de police ont même été désarmées, par principe.
Roman agréable, exotique grâce à ses milieux interlopes,
Les casseurs d’os souffre d’être parfois un peu trop appliqué, comme s’il était écrit par un journaliste soucieux de précisions un brin superfétatoires. Mais la construction politique de Sébastien Meier débouche sur un bon thriller de conquêtes et de pouvoir, dans un monde plus proche qu’il n’y paraît.