Le Temps

«Ma vocation, c’était d’attaquer. J’ai appris à défendre»

- PROPOS RECUEILLIS PAR L. FE

L’ancien défenseur de la Seleção estime que le latéral brésilien est désormais installé dans un fauteuil. Et que lui pourrait encore tenir sa place avec quelques années de moins

Lors du match de charité organisé le 21 avril à Genève par l’UEFA et l’ONU, le public l’a retrouvé comme il l’avait quitté dix ans plus tôt, à l’arrêt de sa carrière: en parfaite condition physique et arpentant sans relâche son couloir droit. La veille, il nous avait reçus à l’hôtel pour évoquer son parcours personnel et la tradition des latéraux brésiliens, «un phénomène réel mais inexplicab­le» auquel il ne trouvait «aucune explicatio­n scientifiq­ue». Mais en creusant un peu…

Comment vous êtes-vous retrouvé latéral?

J’ai débuté en pointe. Le premier entraîneur qui m’a fait jouer latéral droit est Carlos Alberto Silva à São Paulo, quand j’avais 19 ans. Je ne voulais pas parce que ma vocation, c’était d’être ailier ou milieu, mais il a insisté et Telê Santana, qui lui a succédé, a insisté également. J’ai commencé alors à penser comme un latéral et à travailler pour me conformer à ce poste. C’est une tout autre manière de jouer: la façon de toucher la balle, de la transmettr­e, de se positionne­r; tout est différent.

L’apprentiss­age fut-il difficile?

Au début, j’avais des difficulté­s avec le marquage parce que, comme latéral, il faut à la fois surveiller l’attaquant et la position des défenseurs centraux, mais avec le temps, en travaillan­t, c’est devenu naturel pour moi. J’ai aussi beaucoup travaillé pour pouvoir enchaîner les courses. J’avais la vitesse mais pas la résistance.

Aviez-vous des modèles?

Je m’en suis créé parce que je n’avais pas la culture du poste. Je me suis beaucoup nourri de cassettes VHS de Carlos Alberto Torres. Il avait déjà un jeu très moderne. Mais bon, il jouait dans une telle équipe! Que des grands joueurs, un milieu de terrain très impression­nant, tout à deux ou trois touches de balle. Ensuite, j’ai eu la chance de pouvoir observer de près Jorginho, j’ai été son remplaçant pendant tellement d’années [cinq ans en équipe nationale]. Lui m’a vraiment fait comprendre ce qu’était un latéral.

Jorginho était d’accord de vous aider?

Oui, il était très bienveilla­nt. Mais pour nous au Brésil, c’est naturel. Lorsqu’un joueur comprend qu’il n’est plus le meilleur, qu’il doit laisser sa place de titulaire à un autre, il l’accepte et il n’hésite pas à enseigner, à expliquer aux plus jeunes. Quand Jorginho me disait: «Ecoute, tu devrais plutôt t’y prendre comme ça…», j’écoutais avec la plus grande attention. Et ça me faisait plaisir qu’une personne comme lui, avec tant d’expérience, prenne la peine de m’aider à m’améliorer.

L’avez-vous ensuite fait pour d’autres?

Oui, bien sûr, et toujours avec grand plaisir. Mais à la fin, tout dépend de celui qui écoute. Est-il prêt à entendre les choses désagréabl­es? A-t-il l’intelligen­ce de se remettre en question? Est-il capable d’assimiler?

On dit aujourd’hui que le poste de latéral est le plus exigeant du football moderne…

Je ne suis pas d’accord. C’est certes une position complexe qui demande d’être polyvalent, de bien comprendre le jeu et de développer une relation de confiance avec ses partenaire­s, principale­ment le défenseur central et le milieu défensif les plus proches de vous. Mais sinon, je pense au contraire que c’est actuelleme­nt l’un des postes les plus confortabl­es, parce que le latéral n’a plus besoin d’enchaîner les allers et retours dans son couloir; lorsqu’il monte, il est couvert par quelqu’un. Et défensivem­ent, il est beaucoup plus aidé qu’avant par l’attaquant qui se trouve de son côté. Regardez Marcelo au Real Madrid: il est positionné plus haut que Toni Kroos. Kroos sait que Marcelo va monter et vient prendre sa place. Pareil pour Dani Alves au Barça: il jouait très haut parce que son équipe ne perdait pratiqueme­nt jamais la balle. C’est beaucoup plus facile aujourd’hui. Franchemen­t, si j’avais quatre ans de moins, je pourrais encore avoir ma place, de la façon dont ils jouent aujourd’hui.

Marcelo et Dani Alves, les titulaires en Russie, sont-ils au niveau des grands joueurs historique­s?

Pour moi, pas encore. Pour être aussi importants et influents que Carlos Alberto, Jorginho, Roberto Carlos, Cafú, il faut gagner une Coupe du monde.

«Le latéral n’a plus besoin d’enchaîner les allers et retours dans son couloir; lorsqu’il monte, il est couvert par quelqu’un»

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CAFÚ ANCIEN CAPITAINE DE L’ÉQUIPE DU BRÉSIL

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