Jérôme Cahuzac: 4 ans de prison dont 2 avec sursis mais sans passer par une cellule?
JUSTICE L'ex-responsable du Budget sous François Hollande, Jérôme Cahuzac, a vu sa peine aggravée en appel. Mais il pourrait échapper à la détention
Terminée, l’affaire Cahuzac. Derrière le fraudeur fiscal, le menteur devant l’Assemblée nationale, le dissimulateur politique, l’ancien ministre français du Budget a été jugé mercredi par la Cour d’appel à la fois comme un justiciable et un symbole. Résultat: 4 années de prison dont 2 avec sursis, au lieu des 3 années de prison ferme en première instance. Le prix judiciaire d’un mensonge d’Etat que l’opinion française, selon les sondages, souhaitait voir puni bien plus lourdement.
Les juges de la Cour d’appel ont de nouveau déclaré Jérôme Cahuzac coupable de tous les délits dont il était accusé: fraude fiscale, blanchiment et déclarations mensongères, pour les années 2009-2012. L’amende de 300000 euros qui lui avait été préalablement infligée en décembre 2016 est maintenue. La différence entre les deux jugements tient en un mot: la prison.
Même si les magistrats n’ont pas accompagné leur sentence, mercredi, d’un aménagement automatique de peine, ils ont laissé cette porte ouverte. Au-dessous de 2 ans de prison ferme, tout condamné peut, en France, solliciter le juge d’application des peines (JAP) pour une alternative à l’incarcération. L’épouse de Jérôme Cahuzac, condamnée en première instance à 2 ans de prison ferme, a opté pour cette option et porte aujourd’hui un bracelet électronique.
Stratégie gagnante
En interjetant appel, l’ancien ministre – qui s’est acquitté de tous ses arriérés d’impôts et pénalités en 2014 – s’est attaché à démontrer qu’il est un homme broyé, déjà condamné, obligé de vivre reclus dans la maison de sa mère en Corse. Son avocat, le ténor du barreau Eric Dupond-Moretti, avait basé en février toute sa plaidoirie sur le harcèlement, les insultes, bref, l’ostracisme permanent dont est victime l’ex-élu socialiste. C’est gagné.
La sévérité des juges sur la mécanique de fraude et de dissimulation mise en place par Jérôme Cahuzac, à partir du placement de ses premiers avoirs en Suisse à la fin des années 90, est en revanche totale. N’importe quel dirigeant d’entreprise accusé, comme les époux Cahuzac, d’avoir fraudé le fisc à hauteur de 3,5 millions d’euros aurait, en France, bénéficié d’une régularisation sans poursuites pénales. Mais l’affaire Cahuzac n’est pas que judiciaire. «Au-delà de la gravité des faits, la mesure de la sanction doit s’apprécier à la mesure de la faute et de la lutte contre la fraude fiscale que l’accusé devait incarner. Le recours à l’emprisonnement est pleinement justifié», a asséné le président de la Cour d’appel, Dominique Pauthe. Ce qui pourrait augurer d’une difficile négociation avec le JAP.
Tous les arguments visant à obtenir une prescription, ou des circonstances atténuantes, ont d’ailleurs été déboutés. A preuve, l’avocat genevois Philippe Houman, seul à interjeter appel aux côtés de l’ancien ministre (la banque Reyl et Cie et son dirigeant François Reyl avaient accepté leur condamnation en première instance), a vu son jugement confirmé: 1 an de prison avec sursis et 375000 euros d’amende. Que retenir dès lors? Sans doute la volonté de la justice de trouver la juste mesure. Ce qui, dans une affaire aussi passionnelle, était presque une mission impossible.