Quand Pierre Maudet a trois coups de retard
Scène rare à Genève: Pierre Maudet trébuche. Le conseiller d’Etat PLR se fourvoie depuis plusieurs jours dans des explications brouillonnes pour justifier un voyage datant d’il y a deux ans et demi. Tout, dans cette affaire, sonne faux. Un voyage familial aux Emirats? Alors pourquoi emmener son chef de cabinet dans ses valises? Assister à une course de formule 1? Pierre Maudet pratique plutôt la course à pied, à des heures très matinales. Un inconnu généreux qui se serait manifesté sur place pour payer le voyage, en apprenant la présence du ministre genevois? Le politicien aurait pu opposer un refus poli.
Il est plus que temps que l’élu fasse toute la lumière sur ce séjour à Abu Dhabi, qui vire au fiasco de communication. Le grand argentier du canton de Vaud, pour avoir trop tardé à fournir des explications sur l’exacte répartition de ses impôts durant une décennie, a terni l’image d’homme droit que son brillant parcours politique lui avait permis de construire.
A Genève, on n’en est pas là. La faute, si elle est avérée, reste accessoire. Elle est surtout pardonnable, pour autant que son auteur la reconnaisse. Or, pour une fois, le surdoué n’a pas un coup d’avance. Il en a trois de retard. C’est bien ce que cherchaient les personnes qui ont eu intérêt à ce que cette vieille péripétie ressorte maintenant au grand jour. Doyen de fonction, vainqueur des élections cantonales, Pierre Maudet est le plus puissant des conseillers d’Etat. La reconfiguration du pouvoir part de lui. Alors que les négociations autour de l’attribution et des missions des départements sont lancées, l’élu PLR est affaibli.
Quelles étranges prémices pour cette législature dont on n’a cessé de souligner l’importance, après quatre années décevantes! Depuis le 15 avril, date où les Genevois ont décidé de rééquilibrer le parlement cantonal, les élus n’ont plus que les mots «consensus» et «compromis» à la bouche. Les groupes, autrefois opposés, seraient prêts à aller chercher des accords au-delà des clivages politiques qui se sont figés durant une décennie, immobilisant un canton qui a besoin de réformes.
Les déclarations publiques de plusieurs conseillers d’Etat réélus rompent avec cette atmosphère doucereuse. C’est d’abord la cheffe de l’Instruction publique qui rappelle en interview que personne ne voulait de ce département il y a quatre ans et que, maintenant qu’elle y est, elle compte bien y rester. Dimanche dernier, c’est Mauro Poggia qui a montré ses griffes. Si on touche à un cheveu de son Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, a-t-il menacé, il revendiquera, de sa position de vainqueur du second tour, la présidence du Conseil d’Etat. On est loin de la sérénité qui doit régner au sommet du canton. En faisant toute la lumière sur son voyage, Pierre Maudet peut contribuer à l’installer de nouveau.
La faute, si elle est avérée, reste accessoire