Des collants programmés pour filer?
La mort prématurée des collants pourrait être organisée par les fabricants, accuse HOP, l’association française Halte à l’obsolescence programmée. Un enjeu pour le porte-monnaie, mais aussi pour la planète
Un ongle mal coupé, une bague qui dépasse, une écharde sur un banc, et c'est l'échelle, le bas qui file, bref, la catastrophe. Que la première à n'avoir jamais connu de situation embarrassante avec une vilaine déchirure qui enfle m'offre sa paire de rechange.
Les chiffres sont impressionnants: 130 millions de collants sont vendus chaque année en France – dont 104 seront jetés, explique l'association française Halte à l'obsolescence programmée (HOP) dans une étude parue ce mardi, et révélée par France Info, non parce qu'ils ne plaisent plus mais parce qu'ils sont filés, troués, déchirés. Pour 72% des 3090 femmes interrogées par l'association, un collant ne dépasse pas les six utilisations, et elles en achètent en moyenne 10 à 11 paires par an. «Merci, je croyais être la seule dont les collants duraient… 5 mn», plaisante Catherine C. sur Twitter. Une mort prématurée dont l'association soupçonne qu'elle est organisée par les fabricants, devant un marché en baisse – 400 millions de paires étaient vendues à la fin des années 1980, alors que la population était moins nombreuse.
HOP a déjà fait parler d'elle en attaquant Apple et Epson pour obsolescence programmée – c'est un délit en France depuis juillet 2015, passible de 2 ans d'emprisonnement et de 300000 euros d'amende. En Suisse, A Bon Entendeur, sur la RTS, avait déjà enquêté sur la fragilité des collants, comme la Fédération romande des consommateurs. Alors «comment expliquer que les collants de nos grandsmères semblaient plus résistants quand les nôtres ne durent pas»? C'est la question qu'a posée HOP.
L'association relève d'abord que les fabricants utilisent maintenant des fils de moindre qualité et pas doublés pour produire plus et moins cher. Le tricotage est accéléré, les finitions ne sont plus faites à la main, et les collants sont trempés dans des eaux à 50 °C pour les teinter, ce qui les fragilise. «Moins de temps, moins de matière, moins de main-d'oeuvre, moins de contrôle, moins de qualité», résume HOP.
C'est la question des additifs chimiques qui provoque ses soupçons: «Hormis l'impact écologique très important, ces intrants […] participent fortement à la non-durabilité d'un collant. Nous pouvons légitimement émettre l'hypothèse selon laquelle les fabricants peuvent jouer sur les additifs chimiques pour rendre plus ou moins robuste un collant, et ainsi programmer sa fin de vie.» L'association reconnaît émettre une simple hypothèse, «faute de lanceurs d'alerte» pour divulguer des «informations hautement confidentielles et protégées par le secret industriel». Et lance une pétition en ligne pour réclamer des collants plus durables. «C'est vrai que j'ai déjà entendu cette histoire comme quoi les premiers collants étaient très solides, commente Tara-Ma sur Twitter. Trop, pour le business.»
Mais tout n'est peut-être pas si simple. Il y a un an, la chaîne BFM Business avait interrogé plusieurs fabricants de collants et en concluait qu'il était «difficile de mettre au jour une quelconque obsolescence programmée, qui semble relever de la théorie du complot», il s'agirait plutôt d'un arbitrage à faire entre qualité et prix. Tout serait donc de la faute des consommatrices, qui ne veulent pas payer davantage pour des collants plus résistants? Les marques font aussi remarquer que les modèles fins sont les plus recherchés, avant les modèles opaques plus épais, qui sont aussi plus costauds.
C'est finalement sur le terrain de l'environnement que HOP innove le plus, en dénonçant l'impact écologique des collants qu'on jette. Un collant, c'est 10 km de fil, aujourd'hui incinéré. En France, cela représente plus de 7315 tonnes de déchets par an.
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