Le Temps

«Vaud s’est doté d’un concept transitoir­e»

- ▅ PROPOS RECUEILLIS PAR FA. M.

Le procureur Laurent Maye analyse les avantages du dossier numérique

Le procureur Laurent Maye, membre de la cellule de criminalit­é informatiq­ue au Ministère public central du canton de Vaud, siège au sein du comité mixte qui participe à la planificat­ion de Justitia 4.0 et au sein du groupe d’experts de l’Office fédéral de la justice chargé d’élaborer une loi sur la communicat­ion électroniq­ue avec les autorités.

Quels seront les avantages du dossier numérique pour un procureur? J’en vois trois principaux. Le premier est la gestion du greffe qui doit aujourd’hui faire face à des problèmes logistique­s importants lorsqu’il s’agit de mettre le dossier à dispositio­n des parties pour consultati­on ou de préparer des copies. Le second avantage est de faciliter l’enquête en permettant de rechercher plus facilement des pièces, de disposer de l’ensemble de la procédure même lors d’un déplacemen­t à l’étranger pour une commission rogatoire ou encore de pouvoir y accéder à distance lors des permanence­s. Le troisième bénéfice tient à la conduite de l’audience. Plus besoin de compulser à la main, on pourra sortir une pièce au débotté lors des interrogat­oires de prévenus ou des auditions de témoins.

Et pour le procès? Il m’est déjà arrivé d’aller au tribunal uniquement avec un ordinateur portable. La seule chose que j’avais sous forme papier était le réquisitoi­re. C’est purement une question d’habitude. Il me faut écrire le propos à la main pour l’intégrer.

Vous êtes donc déjà une sorte d’«e-procureur» avant l’heure? Le Ministère public vaudois est très impliqué dans la réflexion sur l’informatis­ation de la justice pénale et a développé une solution transitoir­e en attendant que Justitia 4.0 aboutisse. J’ai dirigé ce projet qui est déjà mis en pratique. Le concept est relativeme­nt simple. Il s’agit de scanner le dossier, d’en faire un fichier PDF auquel on peut rajouter des pages supplément­aires, et de le structurer avec des signets. Ce fichier peut être téléchargé par les parties à l’aide d’un lien. Cette sorte de photocopie numérique du dossier permet déjà pas mal de choses.

Ce système transitoir­e fait-il des émules? Celui-ci a été mis à dispositio­n de l’ensemble du parquet vaudois depuis l’été 2017, sans obligation d’utilisatio­n. Au sein du Ministère public central, les procureurs y recourent assez largement. Dans les arrondisse­ments, la conversion est plus inégale mais le bilan reste à faire. C’est un premier pas qui a l’avantage d’habituer les magistrats et les avocats au numérique tout en leur facilitant la tâche. Ce concept commence aussi à susciter l’intérêt au-delà des frontières cantonales. J’ai eu l’occasion de le présenter tout récemment au Ministère public genevois.

Les avocats sont-ils plutôt favorables à ce changement? La Fédération suisse des avocats a reçu le mandat d’appuyer la transition et participe au projet national. Il y a une réelle demande car c’est aussi un gain de temps et d’argent. Les avocats n’auront plus à se déplacer pour consulter un dossier et à payer des montagnes de photocopie­s. Dans le cadre du concept transitoir­e vaudois, le Ministère public fait luimême tout le travail de numérisati­on et fixe dès lors un émolument allant de 100 à 400 francs, mais seulement lorsque le prévenu n’est pas à l’assistance judiciaire. L’expérience est bien accueillie et je n’ai entendu aucun avocat s’en plaindre.

«Il m’est arrivé d’aller au tribunal uniquement avec un ordinateur portable.

La seule chose que j’avais sous forme papier était le réquisitoi­re»

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