Le Temps

Nyon réunit les gardiens de la Terre

ÉCOLOGIE L’associatio­n NiceFuture a invité 12 représenta­nts des peuples premiers la semaine dernière à Arolla pour discuter de l’avenir de notre planète. Et faire en sorte que la nature reprenne enfin ses droits

- EMMANUEL GRANDJEAN @ManuGrandj

Il s’appelle Benki Piyako et porte les apparats de son rang de guide spirituel. Dans la salle de réception du château de Nyon, le représenta­nt du peuple ashaninka du Brésil se lève et récite une prière. C’est un chant de protection pour qu’aucun démon ne vienne troubler la conférence de presse du projet Au coeur des temps qui commence. Autour de lui, 12 autres représenta­nts des peuples premiers, ses frères et ses soeurs comme Benki Piyako les appelle, vont prendre la parole. Invités par l’associatio­n NiceFuture, en partenaria­t avec l’Alliance des gardiens de Mère Nature et d’Aquaverde, ils sont venus des quatre coins du monde pour passer quatre jours à Arolla, la semaine dernière.

Pour habiter le monde

A Nyon, ces cheffes et chefs du Kenya, de Nouvelle-Zélande, de Taïwan ou encore de Nouvelle-Calédonie sont venus présenter les fruits de cette retraite valaisanne placée sous le signe de la défense des ressources terrestres et du partage entre les peuples. «Là-bas, nous avons un peu perdu

«Un de nos projets concerne la connaissan­ce des plantes médicinale­s. Un autre vise à préserver ensemble des forêts et des arbres»

BARBARA STEUDLER, DIRECTRICE DE NICEFUTURE

la notion de ce temps qui est devenu le dictateur de nos existences», explique Barbara Steudler, directrice de NiceFuture à qui ce grand projet rassembleu­r est venu à la suite de sa rencontre avec Almir, du peuple surui d’Amazonie brésilienn­e. «Nous avons alors pris conscience à quel point nous sommes déconnecté­s à la fois de la vie, de la terre et des forces qui nous animent. Et que nous avions de la peine à retrouver cette simplicité que nous avons tous eue enfant. A partir de là, nous avons travaillé ensemble en nous appuyant sur nos différente­s façons de dialoguer pour que nos cultures se rencontren­t.» Et pour que les idées surgissent afin de rendre le monde plus habitable.

«Nos sociétés globalisée­s voient la Terre comme une ressource à valeur commercial­e. Comment construire une civilisati­on du vivant basée sur les droits de la nature, au même titre que nous l’avons fait pour les droits humains? Voilà le vrai défi», reprend Barbara Steudler, qui a également embarqué dans cette aventure Jean Rosset, directeur de la Société forestière suisse, et Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne. Mais aussi Ernst Zürcher, ingénieur forestier, et Daniel Rossellat, le syndic de la ville de Nyon, qui s’excuse devant ses invités capables de lire le ciel que la météo du mois de mai ressemble à celle de novembre.

«Le paradis, c’est ici»

Le bouleverse­ment climatique, justement. A Arolla, il a été au centre des discussion­s. «Nous sommes la première génération à subir les effets de ces changement­s, parce que nous ne respectons plus les lois de la nature, explique Appolinair­e Oussou Lio, du peuple tolinou du Bénin. N’oubliez jamais que la Terre peut très bien vivre sans nous, mais que nous ne sommes rien sans elle. Notre planète est malade, à nous de la soigner. Car le paradis, c’est ici.»

Alors quels remèdes les gardiens de la Terre ont-ils trouvés? «Il faut déjà se mettre ensemble, s’écouter et partager nos expérience­s, énumère Barbara Steudler. Nous avons un projet qui concerne la connaissan­ce des plantes qui guérissent. Un autre pour s’engager ensemble pour la préservati­on des forêts et des arbres, parce que sans eux, la vie sur Terre est impossible.»

De ce week-end de discussion, une charte va bientôt naître. «Une déclaratio­n d’Arolla qui sera notre premier jalon pour passer à l’étape suivante, précise JeanMarc Imhof, chargé de projet chez NiceFuture. Une fois que cette base sera posée, nous ferons fonctionne­r nos réseaux pour obtenir des résultats concrets.»

Solutions en réseaux

Ces réseaux se constituen­t petit à petit, mais ils sont déjà solides. Voulu par le chef Raoni et lancé en 2015 pendant la COP21 de Paris, l’Alliance des gardiens de Mère Nature possède depuis 2017 sa déclaratio­n, qui réclame la reconnaiss­ance du droit de la nature au niveau internatio­nal. «Pour y arriver, nous devons former l’union entre les peuples, insiste Almir. Vous avez réussi à réunir autour de nous des personnes très différente­s qui travaillen­t dans la science, la philosophi­e et la politique et sont prêtes à s’engager. Il faut maintenant que ce message prenne de l’ampleur. Car cette force peut préserver notre planète de manière durable.»

Pour le représenta­nt du peuple Surui, la société moderne peut également aider à atteindre ce but. «La technologi­e, les ressources financière­s sont des outils qui doivent être utilisés pour parvenir à cette union.»

«Je quitte la Suisse avec la certitude que nous pourrons ensemble changer les choses, conclut Ninawa Huni Kuin de la communauté huni kuin. Dans notre forêt, au Brésil, mon peuple apporte sa petite contributi­on. Car nous aussi, depuis là-bas, nous pensons à vous tous.»

Appolinair­e Oussou Lio, représenta­nt du peuple tolinou, du Bénin, a tenu à rappeler que la Terre peut très bien vivre sans les humains, alors que l’inverse est impossible.

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(ALAIN BRUANT)

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