«Le Hamas profite du désespoir à Gaza»
Le politologue israélien Ilan Greilsammer estime que les torts sont partagés pour le bain de sang de Gaza. Mais il appelle l’Etat hébreu à lever le blocus de l’enclave palestinienne
Professeur de sciences politiques à l’Université de Bar-Ilan, près de Tel-Aviv, Ilan Greilsammer se revendique de la gauche sioniste, un courant de plus en plus minoritaire au sein de l’Etat hébreu. Il livre son analyse des basculements en cours au Proche-Orient.
Donald Trump vient coup sur coup de dénoncer l’accord sur le nucléaire iranien, honni par le premier ministre Benyamin Netanyahou, et de déplacer l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. Un triomphe pour Israël? C’est une excellente nouvelle pour la droite nationaliste israélienne. Mais les Israéliens en général n’ont pas besoin qu’on leur rappelle que Jérusalem est la capitale de leur Etat, en tout cas la partie ouest de la ville. Le transfert de l’ambassade américaine est un geste symbolique qui complique encore le processus de paix avec les Palestiniens, alors qu’il est déjà au point mort. Cette nouvelle ambassade disqualifie les Etats-Unis comme intermédiaire. Et on ne voit pas bien qui pourrait les remplacer.
La répression des manifestations de protestation à Gaza, largement condamnée, ne met-elle pas en péril l’Etat hébreu? Les responsabilités sont partagées. Le président Trump a jeté de l’huile sur le feu. Le mouvement islamiste Hamas a envoyé les Gazaouis se faire tuer. Ces manifestations n’avaient rien de spontané. Les gens ont été rameutés et poussés vers la frontière avec Israël par le mouvement islamiste.
Est-ce aussi simple que cela? Le Hamas profite du désespoir de la population à Gaza. En Israël, nous sommes nombreux à plaider pour la fin du blocus sur ce territoire. Israël devrait au contraire faciliter l’entrée de biens à Gaza, car nous avons intérêt à ce que le niveau de vie s’améliore drastiquement. La communauté internationale doit encourager cela.
Est-ce d’actualité alors que le gouvernement israélien nie jusqu’à l’existence d’un blocus? Seuls 300 camions entrent dans la bande de Gaza chaque jour, en provenance d’Israël et de Cisjordanie. C’est dérisoire pour le million d’habitants du territoire. Cela dit, les Egyptiens, qui ont également une frontière avec Gaza, contribuent aussi à ce blocus, car ils craignent les infiltrations du Hamas sur leur territoire. Mais personne ne leur en tient rigueur. Je n’ai aucun problème à ce qu’on tombe sur Benyamin Netanyahou. Mais il faut aussi s’indigner du récent discours antisémite de président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Ces propos contribuent à polariser encore davantage la situation et favorisent les plus extrémistes dans les deux camps.
La remise en question de l’accord sur le nucléaire iranien est-elle vraiment une bonne nouvelle pour Israël? L’appareil de sécurité israélien était divisé sur la question. Il faut reconnaître que le document a des lacunes importantes: il n’est valable que dix ans et il ne dit rien des missiles iraniens. Voilà pourquoi le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne sont intéressés à le renégocier. Les Iraniens veulent eux aussi préserver leurs relations avec les Européens.
PROFESSEUR DE SCIENCES POLITIQUES À L’UNIVERSITÉ DE BAR-ILAN
«Cette nouvelle ambassade disqualifie les Etats-Unis comme intermédiaire»
Redoutez-vous une guerre prochaine entre Israël et l’Iran? Non, je ne crois pas qu’un affrontement majeur aura lieu. Certes, Israël continuera à bombarder les bases iraniennes en Syrie, car elle ne veut pas que l’Iran s’incruste militairement à sa frontière. Vladimir Poutine, qui règne en maître en Syrie, fera en sorte que les choses ne dégénèrent pas car il veut à la fois préserver ses bonnes relations avec Israël et l’Iran. De plus, ni l’Iran ni Israël n’ont intérêt à une guerre généralisée. Téhéran parce que sa situation économique est déjà bien précaire et que les nouvelles sanctions américaines le pénaliseront encore plus. Quant à Israël, son existence n’est pas menacée par l’Iran.
▅