Palma de Majorque limite la location de logis aux touristes
Un Airbnb à Palma de Majorque.
Les appartements loués à des vacanciers étrangers valent diverses nuisances aux autochtones, à commencer par une forte hausse des loyers. La capitale des Baléares a pris la tête de la résistance
En Espagne, la guerre contre les appartements touristiques, ou plus exactement contre les plateformes qui les mettent en location, s’intensifie de manière spectaculaire. L’an dernier, pionnière en ce domaine, la municipalité de Barcelone avait entamé la chasse aux locations de logements sans licence destinés aux vacanciers étrangers. Et avait, au passage, imposé des sanctions record, à hauteur de 600 000 euros, aux plateformes Airbnb et HomeAway.
Aujourd’hui, c’est la capitale de l’archipel des Baléares, Palma de Majorque, qui prend le relais et va même plus loin que Barcelone. A partir du mois de juillet, cette ville peuplée d’environ un demi-million de personnes, très visitée, interdira à tout propriétaire la location de son appartement à des touristes. C’est une première à l’échelle nationale. Seuls ne sont pas concernés les logements isolés, ou situés en zones rustiques et industrielles, ou encore à proximité de l’aéroport de Palma, par où arrive l’essentiel des flux pour l’ensemble de l’archipel.
Ras-le-bol citoyen
Créant aussitôt la polémique, et le rejet des formations conservatrices, cette mesure a été approuvée en Conseil municipal, majoritairement dominé par les socialistes et les radicaux de Podemos. Motif invoqué: protéger les résidents. Autrement dit, il s’agit de satisfaire le ras-le-bol citoyen croissant contre la massification touristique, laquelle ne se traduit pas seulement par l’omniprésence des visiteurs dans les lieux publics mais encore et surtout par une hausse importante des loyers. Ces dernières années, du fait de ce phénomène, on estime que cette augmentation a atteint 40%. Avec les habitants de Barcelone, les citadins de Palma sont ainsi ceux qui, en Espagne, consacrent la plus grande part de leurs revenus à honorer leurs loyers mensuels. Circonstance aggravante, dans les Baléares: 48% des appartements touristiques se louent pendant une période allant de 6 à 8 mois.
«Cette situation est très dommageable pour les locations de longue durée, souligne l’élu en charge de l’urbanisme José Hila. Car évidemment le propriétaire gagne beaucoup plus d’argent par le biais de ces locations saisonnières.» Tous, bien sûr, ne sont pas d’accord avec cette initiative. Emboîtant le pas aux formations de centre droit, Ciudadanos et Parti populaire, le directeur général d’Adigital, l’Association espagnole de l’économie numérique, José Luis Zimmermann s’insurge: «C’est une réforme idéologique. Ils pensent que leur électorat assume le discours apocalyptique selon lequel les plateformes en question vont détruire la vie des quartiers. Ce n’est pas vrai.»
L’initiative de la commune de Palma, applaudie par les mouvements alternatifs et par l’hôtellerie traditionnelle, s’inscrit dans une démarche cohérente. En juillet 2017, le parlement régional des Baléares, lui aussi dominé par des forces de gauche, avait réformé la loi sur le tourisme en imposant un plafond de 623624 visiteurs logés dans des appartements touristiques au gré des îles de l’archipel, Majorque, Minorque, Ibiza et Formentera. L’exécutif régional avait en même temps menacé les plateformes d’annonces d’amendes allant jusqu’à 400000 euros si elles ne retiraient pas leurs offres d’appartements sans licence. En février dernier, Airbnb a ainsi dû débourser la coquette somme de 300000 euros pour avoir désobéi à la nouvelle législation. Un mois plus tard, TripAdvisor a reçu la même sanction financière.
En juillet 2017, le pouvoir régional avait laissé toute latitude aux municipalités, dont celle de Palma, de mettre ces normes en application sur leur territoire. Avec cette récente décision, la capitale veut resserrer un peu plus l’étau sur les propriétaires d’appartements touristiques. «Palma est une ville déterminée et courageuse, a affirmé le maire Antoni Noguera. Nous avons pris cette décision du point de vue de l’intérêt général.» Et l’élu en charge de l’urbanisme José Hila de préciser: «Toutes les villes européennes sont confrontées à cette transformation. Il faut y mettre de l’ordre.» A l’en croire, l’importance numérique des visiteurs dans les quartiers centraux de la ville, générant du bruit et d’autres nuisances, explique la hausse importante de plaintes présentées par des habitants contre leurs voisins provisoires: 42 en 2014, 192 l’an dernier.
Des résultats probants
La nouvelle législation imposée par le parlement régional a déjà porté ses fruits: en août 2017, on comptait une offre de quelque 20 000 appartements touristiques aux Baléares, contre 11000 aujourd’hui. Autrement dit, l’épée de Damoclès des amendes fonctionne. Même dynamique à Barcelone: la capitale catalane dirigée par la maire Ada Colau, proche de Podemos, a promulgué des interdictions complètes dans certaines zones ultra-touristiques, comme la Sagrada Familia et le quartier Gotic.
La région valencienne, dont le littoral est aussi très fréquenté par des visiteurs étrangers, s’apprête à promulguer une loi donnant aux communes une ample marge de manoeuvre pour réguler la location des logements touristiques, la plupart sans licence. Le Pays basque et l’archipel des Canaries comptent leur emboîter le pas. Quant à Madrid, la maire Manuela Carmena entend soumettre l’existence des appartements touristiques au vote des syndics d’immeubles.
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