Le Temps

«Les JO occupent 30% de mon temps»

Frédéric Favre consacre près d’un tiers de son temps de travail au projet Sion 2026. Le conseiller d’Etat estime que cela en vaut la peine pour «un dossier qui permet d’obtenir un milliard de francs de la Confédérat­ion et qui peut créer six mille emplois»

- GRÉGOIRE BAUR

«Le conseiller d’Etat Frédéric Favre a-t-il été élu pour faire campagne en faveur des Jeux olympiques à 300%?» La question émane de Marie-Thérèse Sangra, secrétaire régionale du WWF Valais et farouche opposante à la candidatur­e de Sion aux JO de 2026. Mais elle n’est pas seule à se la poser. De nombreux opposants craignent que le ministre en charge du Départemen­t de la sécurité, des institutio­ns et du sport ne délaisse ses autres dossiers pour se consacrer uniquement au projet olympique. Afin de savoir si ces craintes sont fondées, Le Temps a suivi Frédéric Favre durant une journée.

Le rendez-vous est donné mardi 15 mai à 7h45. A notre arrivée, le conseiller d’Etat est déjà assis à son bureau, affairé à traiter le courrier. Il en profite pour nous détailler son programme du jour: quatre séances, un passage au Grand Conseil et une soirée de présentati­on du projet olympique. «Une journée pas trop chargée», nous glissera plus tard l’une de ses collaborat­rices.

Une matinée au Grand Conseil

La première séance débute à 8h tapantes. Frédéric Favre reçoit les responsabl­es du Service de l’applicatio­n des peines et mesures, pour évoquer le dossier d’un détenu. Quarante minutes plus tard, la réunion se termine. Sans attendre, le conseiller d’Etat se dirige vers le parlement. Un seul point à l’ordre du jour, le dernier, concerne son départemen­t. Il sera traité entre 11h30 et midi. Jusque-là, pas un mot sur les Jeux olympiques, nous semble-t-il. «Oui et non, rétorque Frédéric Favre. J’ai répondu à quelques e-mails sur le sujet durant la matinée et plusieurs parlementa­ires m’ont posé des questions dans les travées du parlement. C’est un dossier qui intéresse tout le Valais et j’ai l’impression que c’est compliqué de ne pas m’en parler», dit-il en souriant.

Les Jeux olympiques ne sont donc pas omniprésen­ts dans l’agenda de Frédéric Favre, mais ils ne sont jamais bien loin. «Ils représente­nt 30% de mon temps de travail. Pour un dossier qui nous permet d’obtenir un milliard de francs de la Confédérat­ion et qui peut créer six mille emplois, je pense que ça vaut la peine», argumente-t-il avant de nous laisser. Le temps pour nous de nous restaurer et pour lui d’aller faire du sport. «L’exercice physique est crucial. Il m’apporte un équilibre physique et psychique.»

Les séances s’enchaînent

Nous retrouvons Frédéric Favre à la fin de son entraîneme­nt. Notre montre affiche 13h45. A peine a-t-il le temps de manger une poire que les séances de l’aprèsmidi débutent. Et s’enchaînent. Réunion avec la présidente de la Commission de justice du parlement, préparatio­n de la séance hebdomadai­re du gouverneme­nt qui se tiendra le lendemain et enfin accueil des candidats aux postes de préfet et vice-préfet du demi-district de Rarogne occidental. A 17h, tout est terminé. Frédéric Favre en profite pour rentrer chez lui, à Vétroz, dire bonjour à sa femme et ses trois enfants, qu’il n’a pas beaucoup vus ces dernières semaines. «La plupart de mes soirées sont occupées par le projet olympique. Plus que mon départemen­t, c’est ma famille qui est prétéritée par cette campagne.»

La pause familiale aura duré une heure. Un journalist­e l’attend pour une interview sur les Jeux olympiques à 18h30 à Martigny. «Ce dossier est plus médiatisé que les autres. Mais cela ne signifie pas que depuis mon entrée en fonction, il y a une année, je ne fais que ça. J’ai beaucoup d’autres choses mais apparemmen­t ça intéresse moins», explique-t-il en riant durant le trajet qui nous mène à Martigny-Croix, où il doit justement présenter le projet olympique. Frédéric Favre cite en exemple d’autres dossiers qu’il a menés à bien durant sa première année au gouverneme­nt: la révision de la Constituti­on cantonale par une Constituan­te, acceptée par le peuple le 4 mars dernier, ou encore la mise en vigueur de la loi cantonale sur le sport, validée par le Grand Conseil en 2012.

Une présentati­on teintée d’humour

Mais pour l’heure place aux Jeux olympiques. Près de deux cents personnes l’attendent pour sa présentati­on. Le discours est millimétré. Durant plus de deux heures, Frédéric Favre défend corps et âme la candidatur­e de Sion. Pour certains opposants, il en fait trop. Thierry Largey, député Vert, estime que lors de ces soirées, Frédéric Favre troque sa casquette de conseiller d’Etat contre celle de vice-président de Sion 2026. «Je suis présent en tant que ministre des Sports pour expliquer une votation cantonale, répond le principal intéressé. Et je suis légitimé à le faire puisque le Conseil fédéral, le gouverneme­nt cantonal et 80% du parlement sont en faveur de cette candidatur­e.» Il n’empêche que les arguments des opposants sont souvent tournés en dérision tout au long de la présentati­on. Et Frédéric Favre ne le cache pas. «Je manie l’humour pour parler des arguments qui ne sont pas crédibles. Il y a des raisons d’être opposé aux Jeux olympiques, et on le respecte, mais il ne faut pas être de mauvaise foi.»

Deux soirées d’informatio­n sont encore à l’agenda de Frédéric Favre d’ici à la votation du 10 juin. Une date qui le verra, quoi qu’il arrive, changer de rôle. «Si le peuple nous suit dans ce projet, ce sera aux élus fédéraux de reprendre le flambeau. C’est n’est pas à moi d’aller faire du lobbying à Berne.» En revanche, si les Valaisans s’opposent aux Jeux olympiques, tout s’arrête. Mais Frédéric Favre ne craint pas la défaite. «Comme disait Nelson Mandela, je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends», nous glisse-t-il avant de nous quitter. Il est 22h15.

«La plupart de mes soirées sont occupées par le projet olympique. Plus que mon départemen­t, c’est ma famille qui est prétéritée par cette campagne»

FRÉDÉRIC FAVRE, CONSEILLER D’ÉTAT CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ, DES INSTITUTIO­NS ET DU SPORT

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(OLIVIER MAIRE POUR LE TEMPS) Frédéric Favre: «C’est un dossier qui intéresse tout le Valais et j’ai l’impression que c’est compliqué de ne pas m’en parler.»

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