Le Temps

Paix au ProcheOrie­nt: la recette d’Ignazio Cassis

- LUIS LEMA @luislema

Donald Trump a apporté un «regard neuf» au conflit israélo-palestinie­n. Faisant fi de l’histoire et de décennies d’efforts diplomatiq­ues, pratiquant la politique de l’éléphant dans un magasin de porcelaine, le président américain a décrété le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Bilan (encore très provisoire): des dizaines de morts et des centaines de blessés à Gaza ainsi que, sans doute, une disqualifi­cation durable des Etats-Unis dans ce dossier.

Toutes proportion­s gardées, c’est au même exercice que semble vouloir se livrer le conseiller fédéral Ignazio Cassis. Revenant d’une visite en Jordanie, le chef de la diplomatie suisse a remis en cause frontaleme­nt, et publiqueme­nt, le rôle de l’UNRWA, cette agence de l’ONU chargée depuis sept décennies de s’occuper des réfugiés palestinie­ns et de leurs descendant­s.

Comme le statut de Jérusalem, la question des réfugiés est au coeur de cet interminab­le conflit. Et elle a été retenue comme telle par toutes les tentatives de règlement qui l’ont parsemé. Ignazio Cassis a raison, cette affaire s’éternise. Et pour cause: alors que, pratiqueme­nt partout ailleurs, les réfugiés peuvent rentrer chez eux une fois le conflit terminé, ici, ce n’est pas le cas: le conflit dure encore, et les réfugiés palestinie­ns (passés entre-temps de 750000 à plus de 5 millions) n’ont pas de chez-eux. Israël n’en veut pas et la Palestine, en tant qu’Etat, n’existe pas.

La solution proposée par le conseiller fédéral passe par une «meilleure intégratio­n» de ces réfugiés dans leur pays d’accueil. En a-t-il parlé à ses collègues de la région? Cette question a déjà provoqué des épisodes particuliè­rement sanglants au Liban et en Jordanie, sans même parler de la Syrie où les réfugiés palestinie­ns sont les victimes quotidienn­es des bombes du régime. L’histoire de cette région est affreuse et implacable. Les regards neufs sont bienvenus, à condition qu’ils en tiennent compte.

Tirer un trait sur la question du statut de Jérusalem ou sur la question des réfugiés palestinie­ns – comme semble le suggérer Ignazio Cassis – c’est simplement nier l’essence même du conflit israélo-palestinie­n. Dans ce panorama sanglant, complexe, retors et désespéran­t qu’offre le Proche-Orient, l’UNRWA est précisémen­t l’un des seuls acteurs à tenir le cap. Loin de représente­r un vaste repaire d’assistés, elle constitue – par son rôle dans la formation et la santé des Palestinie­ns – un équivalent d’épine dorsale. Elle soutient non seulement la région, mais son apport est aussi décisif pour un éventuel chemin vers la paix.

Jusqu’ici, en soutenant ardemment l’UNRWA, la Suisse avait compris cette évidence. Les propos d’Ignazio Cassis semblent annoncer un changement de politique. Même si, pour l’instant, il reste difficile de cerner les contours exacts de la solution qu’il propose.

L’histoire de cette région est affreuse et implacable

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