Le Temps

Pensions alimentair­es: fin de la cacophonie

Le Tribunal fédéral impose la «méthode des frais de subsistanc­e» pour calculer la contributi­on d’entretien, ne couvrant que les besoins minimaux de l’enfant et du parent qui s’en occupe

- MICHEL GUILLAUME @mfguillaum­e

C’était un arrêt très attendu que celui qu’a prononcé le Tribunal fédéral ce jeudi 17 mai à Lausanne. Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit de garde et de l’entretien de l’enfant en janvier 2017, il a délibéré sur la méthode de calcul en cas de séparation d’un couple marié ou non. Le parlement n’avait pas voulu prendre position sur le sujet. Le TF a retenu la «méthode des frais de subsistanc­e», qui couvre les besoins minimaux de l’enfant et du «conjoint gardien». En revanche, il n’a pas pris de décision définitive à propos de la règle dite des «10/16», qui concerne le moment où le partenaire ayant la garde de l’enfant doit reprendre le travail.

L’affaire qui a occupé la deuxième cour de droit civil oppose un ressortiss­ant syrien et son épouse, une Suissesse, qui ont un enfant de bientôt 4 ans. En novembre 2015, la mère a déposé une requête de mesures protectric­es de l’union conjugale. En mai 2017, la Cour de justice du canton de Genève a condamné le mari à lui verser un montant mensuel de 2070 francs. Celui-ci comprend une contributi­on de prise en charge, calculée en fonction des dépenses non couvertes de l’épouse, en sus du montant relatif aux frais effectifs de l’enfant.

Pas de «rémunérati­on»

Depuis son entrée en vigueur, ce nouveau droit a fait couler beaucoup d’encre. Chaque canton y est allé de sa propre partition quant à sa mise en oeuvre, ce qui a provoqué une véritable cacophonie en Suisse. Il était donc temps que le Tribunal fédéral y mette fin. Ce qu’il a fait en déclarant – à quatre voix contre une – que les tribunaux devaient désormais se baser sur la «méthode des frais de subsistanc­e», celle qu’applique au demeurant déjà le canton de Genève.

Cette méthode couvre les besoins essentiels de l’enfant comme du parent qui s’en occupe. Soit le minimum vital selon les calculs de l’Office des poursuites: le loyer, l’assurance maladie et les frais de déplacemen­t. Le Tribunal fédéral l’a jugée comme étant la plus appropriée pour répondre aux buts du législateu­r. Pourquoi? Parce qu’elle ne fait que compenser la perte du revenu auquel pourrait prétendre le parent s’il ne devait pas garder l’enfant. Pour le TF, il n’est pas question de «rémunérer» la personne qui fournit les soins en favorisant par exemple un modèle basé sur des tabelles forfaitair­es. Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant n’a en effet pas pour but d’améliorer le train de vie du conjoint gardien.

Le mari syrien, qui touche un salaire net d’environ 4500 francs, avait fait recours, parlant d’une décision «arbitraire» de la cour genevoise le plongeant dans une «situation financière dramatique». Il estimait que sa femme, qui avait été agente de sécurité par le passé avant de devoir arrêter de travailler pour des raisons de santé, pourrait reprendre un emploi à temps partiel de l’ordre de 40 à 50%.

Un signal pour la réinsertio­n profession­nelle

Le TF n’est pas allé aussi loin. Sur le problème de l’emploi hypothétiq­ue, soit celui que l’épouse devrait retrouver au fur et à mesure que son enfant grandit, le Tribunal fédéral s’est montré divisé. Jusqu’à présent, il avait appliqué la règle dite des «10/16», impliquant que le conjoint gardien de l’enfant peut travailler à 50% dès que l’enfant a 10 ans et à 100% dès qu’il a 16 ans. Ces dernières années, cette règle a cependant été assouplie dans divers cantons. Dans le cas présent, la Cour de justice genevoise a admis un emploi hypothétiq­ue de 30% – les 12 heures lors desquelles l’enfant est à la crèche – pour la mère, soit un revenu mensuel de 950 francs qui a été déduit de la contributi­on d’entretien. Le TF n’a rien trouvé à redire à ce calcul.

Cela dit, l’un des juges, Luca Marazzi, aurait tout de même préféré que la cour renonce à tout considéran­t à ce sujet. Le TF n’a finalement pas accédé à cette requête. Il estime que la société évolue sur ce plan et qu’il est important de donner un signal pour encourager la réinsertio­n profession­nelle dans la mesure du raisonnabl­e. Mais sa décision dans ce cas particulie­r n’aura pas de portée jurisprude­ntielle. Il promet d’aborder plus spécifique­ment ce point dans un prochain arrêt.

Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant n’a pas pour but d’améliorer le train de vie du conjoint gardien

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(FANATIC STUDIO)

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