Le Temps

Les influenceu­rs de synthèse vont s’imposer

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

Vous connaissez les influenceu­rs, adorés par les ados et les marques de luxe. Voici désormais des figures de synthèse qui peuvent les remplacer avantageus­ement. Elles s’appellent Lil Miquela ou Shudu Gram, et bien d’autres vont envahir vos réseaux sociaux. Du point de vue de l’apparence, la performanc­e technique doit encore s’améliorer. Par contre, le narratif peut aller loin. On suit l’évolution de ces personnage­s comme dans une série ou un jeu vidéo, à travers des opérations marketing savamment orchestrée­s.

Ces nouvelles icônes ont plusieurs avantages. Une image générée par ordinateur qui devient une star d’Instagram ne prend pas de poids, ne vieillit pas et ne connaît pas de difficulté­s dans sa vie – comme une rupture amoureuse ou un problème d’addiction. Et cela plaît. Avec sa vie toute sage, Lil Miquela a attiré à elle plus d’un million de fans.

C’est une concurrenc­e pour toutes les Kim Kardashian de la terre et les modèles jusque-là plébiscité­es. Il s’agit aussi d’une fantastiqu­e opportunit­é pour les marques de luxe de s’afficher avec un personnage sain et positif. Lil Miquela affiche d’ailleurs une garde-robe surdévelop­pée. Les marques ont-elles payé pour cela ou les inventeurs de la créature ont-ils le sens du commerce et espèrent-ils amorcer la pompe à contrat?

Rien n’est clair mais plusieurs raisons objectives font penser que ces prescripte­urs de pixels vont perdurer. Le créateur de Shudu Gram estime que la mode, devenue ennuyeuse, a besoin de super-modèles, à l’instar du cinéma qui réalise ses meilleurs scores au box-office grâce aux super-héros.

Par ailleurs, ces personnage­s baignent dans une certaine irréalité très utile aux marques. La législatio­n américaine oblige les vrais influenceu­rs à annoncer sur chacune de leurs photos qu’ils ont été payés pour porter une marque de vêtements, par exemple. La loi s’applique-t-elle à ce qui n’est qu’une image et pas une personne? La question reste ouverte.

Le phénomène va aussi durer parce que nous n’avons aucun problème à nous attacher à des images de synthèse. Il n’y a qu’à voir comment la franchise Lara Croft a prospéré: au départ, une héroïne de jeux vidéo, née en 1996, ensuite une star de films qui se sont adressés à deux génération­s successive­s de spectateur­s. Et y a-t-il meilleur indicateur de succès que le fait que votre enfant aime un héros que vous avez aimé à son âge?

Surtout, la technologi­e va s’améliorer, et l’effet d’illusion sur l’identité réelle des futurs influenceu­rs va se renforcer. Humains ou numériques? Demain, la question ne se posera plus.

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