Maryam, l’étudiante qui assume son voile
La militante défraie la chronique depuis qu’elle est apparue à la télévision. En plein ramadan, elle s’est expliquée et assume
En février, les téléspectateurs français s’étaient déchirés sur le cas de Mennel Ibtissem, la candidate voilée de The Voice, née à Besançon d’un père syrien et d’une mère algérienne. Sa voix superbe, entonnant l’Hallelujah du barde canadien Leonard Cohen, avait alors trébuché sur quelques piteux et stupides commentaires numériques, rédigés par ses soins en 2016 au lendemain de l’attentat de Nice et de l’assassinat du père Jacques Hamel dans son église de Saint-Etienne du Rouvray. La toile s’était aussitôt enflammée et la chanteuse avait dû se retirer, après avoir prononcé des excuses. Jusqu’à son retour ces jours-ci, avec une nouvelle chanson au titre en forme de réponse: «Je pars, mais je t’aime».
Une autre affaire, depuis dix jours et alors que le ramadan commençait tout juste, a relancé la polémique en France sur le port du voile, devant les caméras, par une personnalité publique. L’intéressée a 19 ans. Syndicaliste étudiante, présidente de la section de l’UNEF de Paris-IV Sorbonne, Maryam Pougetoux a fait face à une avalanche de commentaires depuis qu’elle est apparue voilée sur M6, lors d’un entretien sur l’occupation de plusieurs universités, 50 ans après Mai 68. Qui est-elle? Que défend-elle? Les journalistes qui avaient tenté de la joindre étaient jusque-là restés bredouilles. Jusqu’à l’entretien qu’elle a accordé, lundi, au site Buzzfeed.
Qu’apprend-on? D’abord que la jeune femme a du caractère. «Mon voile n’a aucune fonction politique, se défend-elle. C’est ma foi. Après oui, c’est visible, mais ce n’est pas pour autant du prosélytisme. Je dois presque me justifier de mon choix alors que je ne devrais pas […]. On donne à mon voile une signification que moimême je ne lui donne pas. Je pense qu’il faut démystifier cette question-là […] A aucun moment je ne l’ai mis par volonté politique ou réactionnaire.» Ensuite qu’elle ne manque pas d’arguments. Le ministre de l’Intérieur, l’ancien maire socialiste de Lyon Gérard Collomb, avait jugé «choquante» cette «différence affichée». La réponse fuse: «Je suis une citoyenne française, j’ai fait des études en France, dans des établissements laïcs et publics, mon voile n’a aucun lien avec ça. Je le porte par choix, par conviction religieuse, mais dans le respect de la loi, dans le respect d’autrui, donc à partir de ce moment-là, le débat ne devrait même pas se poser.»
Mesurer la taille du tissu
L’entretien à Buzzfeed ne clôt bien sûr pas la polémique, à laquelle a aussi choisi de se mêler, ces derniers jours, la ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, en plein débat sur son projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles. Et l’affaire dépasse le cadre de l’Unef et du syndicalisme étudiant. La loi française du 11 octobre 2010 prohibe la dissimulation du visage dans l’espace public. Ce texte, validé en juin 2014 par la Cour européenne des droits de l’homme, s’ajoute à la loi de 2004 qui interdit à l’école (et non à l’université) «le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Or à aucun moment, le voile de Maryam Pougetoux, coloré et laissant entrevoir largement son visage, n’a enfreint la législation.
«Est-ce qu’on va commencer à mesurer la taille du tissu que l’on porte? Si on commence comme ça, où va-t-on?» interroge l’étudiante. Avant de questionner la société française, dans le climat ravivé de peur après l’attentat parisien commis près de l’Opéra, à la mi-mai: «Techniquement, une femme voilée est dans la société. Lorsque l’on reste chez soi, on dit que nous sommes soumises. Lorsque nous revendiquons, lorsque nous nous engageons, on nous dit que nous n’avons pas le droit. Ou alors on nous dit «oui, mais»…»