Transition énergétique: à nous d’agir maintenant!
Voici presque exactement une année, après une longue et controversée campagne, le peuple suisse validait, à une proportion de près de 60%, la loi sur l’énergie adoptée par le parlement le 30 septembre 2016. Parfois considérée comme peu contraignante, elle comporte en réalité d’importants engagements, comme celui de réduire d’ici à 2035 la consommation d’énergie de 43% et d’électricité de 13%.
Elle interdit de renouveler le parc nucléaire, qui produit aujourd’hui un bon tiers de notre électricité, et exige de réduire d’un tiers les émissions de CO2 des voitures nouvellement mises en circulation. Enfin, elle demande de tripler la contribution des nouvelles énergies renouvelables à la production d’électricité et de promouvoir la rénovation énergétique des bâtiments.
Vaste programme – toutefois bien en retrait par rapport aux exigences de la société à 2000 watts, qui sont de diviser d’ici à 2050 la consommation par trois et d’assurer les trois quarts de celle subsistante par les énergies renouvelables. Sur ce chemin, une bonne nouvelle: depuis les années 1990, malgré une augmentation de la population de 25% et du PIB de 45%, les efforts accomplis ont permis de stabiliser la consommation d’énergie et les émissions de gaz carbonique. Quant aux énergies renouvelables, leur part a crû durant ce laps de temps de 50%, passant de 15% à 22%.
Mais la mauvaise nouvelle suit aussitôt: beaucoup de personnes réagissent comme si, une fois la loi votée, le sujet était derrière nous, la page tournée. Or la loi sur l’énergie est tout au contraire un point de départ, une étape, aucunement un aboutissement. En l’adoptant, le peuple suisse n’a pas seulement donné un mandat aux pouvoirs publics, mais s’est aussi – et surtout – donné un mandat à lui-même.
Ce n’est que si nous donnons clairement la préférence aux circuits courts, aux savoirfaire locaux, à l’économie circulaire, aux modes de production agricoles basés sur les cycles naturels et aux innovations techniques minimisant les consommations que nous pourrons aller de l’avant. Un tiers de la facture pétrolière est alimenté par la mobilité. Or les déplacements (en avion et en voiture) pour les loisirs sont aujourd’hui plus importants que ceux pour des motifs professionnels et le parc automobile suisse devient de plus en plus puissant et lourd. Tout cela relève exclusivement de nos décisions individuelles.
Il faudra aussi cesser de s’acharner sur l’éolien, qui pourrait, tout en respectant les distances aux habitations et en évitant les biotopes sensibles, fournir 7% de notre production électrique; il plafonne aujourd’hui lamentablement à 0,2%! Tant que persisteront ces réactions irréfléchies et que nous pratiquerons allègrement le prêt-à-jeter, la transition n’avancera pas. Tant qu’il n’y aura pas cohérence entre nos votes en tant que citoyen-ne-s et nos comportements de consommateurs/ consommatrices, les choses ne bougeront pas.
C’est bien toute la société qui doit se mettre en mouvement; c’est à chacun-e de nous de resituer l’enjeu énergétique au coeur de notre quotidien, et personne ne pourra le faire à notre place. L’objectif de réduction de 43% en dix-sept ans ne va pas pouvoir être atteint sans définir des paliers et sans régulières piqûres de rappel. Pour maintenir la pression, un monitoring national, tableau de bord public qui informerait et interpellerait sur l’avancement des choses, serait hautement souhaitable. En incluant la progression des parts du renouvelable, les engagements financiers et les bilans en termes d’emplois, sujets clés s’il en est.
Enfin, le vote de la loi sur l’énergie par le parlement puis par le peuple n’a été possible que par une alliance large, tant au plan politique qu’économique. Alors que la transition était historiquement portée avant tout par la gauche et les Verts, le PDC et une bonne moitié du PLR ont désormais fait leurs les contenus de la loi – tout comme une bonne partie de l’économie. Ce consensus récent peut jeter la base pour de nouveaux réflexes et une nouvelle normalité, où, tout naturellement, la transition énergétique et ses exigences feraient partie de nos références partagées. Ce que le 21 mai 2017 signifie pour notre pays? Et si c’était tout simplement d’admettre que nous devons tirer tous à la même corde et de nous faire vivre la transition sur le mode d’une vaste compétition sportive, où chacun donne le meilleur de lui-même: consommateurs, producteurs, chercheurs, pouvoirs publics? Cela mérite au moins autant d’attention que d’hypothétiques Jeux olympiques…
Le peuple suisse n’a pas seulement donné un mandat aux pouvoirs publics, mais s’est aussi
– et surtout – donné un mandat à lui-même