Washington et Pékin enterrent la hache de guerre. Vraiment?
La Chine aurait accepté de réduire le déficit commercial américain de 200 milliards de dollars par an en important davantage de soja et de coton. Mais les détails de l’armistice signé dimanche ne sont pas connus
Personne ne sortira gagnant d’une guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis. Cette phrase prononcée à maintes reprises depuis mars dernier a-t-elle été entendue? La réponse n’est pas encore claire malgré l’accord signé dimanche, en vertu duquel Pékin importerait davantage de produits agricoles, des avions, du gaz et du pétrole. Mais selon de nombreux analystes, même si la Chine favorisait largement les fournisseurs américains, il lui serait difficile de réduire le déficit de 200 milliards de dollars comme l’a souhaité le président Donald Trump.
Tout a commencé à la suite de la décision américaine d’imposer une surtaxe de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium à l’importation. L’administration Trump n’en est pas restée là et a renchéri en annonçant des droits de douane à hauteur de 50 milliards de dollars sur divers produits, cette fois-ci importés exclusivement de Chine, en raison de sa «politique commerciale déloyale, de transferts de technologie forcés ou encore de vol de la propriété intellectuelle des entreprises américaines».
La décision du président Trump de passer à l’offensive tout en se targuant que des guerres commerciales sont faciles à gagner a bouleversé la planète commerce. Plusieurs responsables politiques et économiques, dont le directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Brésilien Roberto Azevêdo, ont plaidé pour l’apaisement. Ils ont aussi rappelé comment des mesures protectionnistes avaient conduit à la Grande Dépression des années 1930.
L’Union européenne, alliée naturelle des Etats-Unis, touchée également par les surtaxes sur l’acier et l’aluminium, ainsi que le Japon ont demandé et obtenu des exemptions temporaires. Mais la Chine, principale cible de Washington, sans vraiment agir en va-t-en-guerre, a dénoncé les mesures unilatérales et a aussi menacé de prendre des mesures de rétorsion. Passant de la parole à l’acte, elle a frappé là où ça fait le plus mal: couper les importations de soja, de coton et de sorgho américains. Les agriculteurs des Grandes Plaines, importants soutiens du président Trump, payeraient le prix fort.
Déficit américain de 375 milliards de dollars
Tel est le contexte dans lequel diplomates américains et chinois ont renoué le dialogue et ont signé un armistice ce week-end. «Nous nous sommes mis d’accord sur un cadre», a déclaré dimanche le secrétaire d’Etat au Trésor, Steven Mnuchin, affirmant que les surtaxes devant entrer en vigueur ce mardi ont été suspendues. Dans le passé, ce fidèle de Donald Trump n’a cessé de dénoncer le déficit américain des Etats-Unis avec la Chine – plus de 375 milliards de dollars en 2017 – comme inacceptable.
Les détails de l’accord intervenu dimanche n’ont pas été rendus publics. La Chine aurait accepté d’importer des produits et services américains à hauteur de 200 milliards de dollars, notamment du soja et du coton. Cette annonce devrait satisfaire les agriculteurs américains qui étaient plongés dans l’incertitude après les menaces chinoises. L’accord avec la Chine vaut son pesant d’or. Lors des élections à mi-mandat de novembre, les électeurs américains renouvelleront la moitié des sièges au Congrès et au Sénat.
Un accord sur le dos des Européens
Mais force est de constater que l’optimisme n’est pas de mise. Plusieurs analystes interrogés par l’agence Bloomberg estiment extrêmement difficile de réduire le déficit américain de façon si importante. L’incertitude demeure aussi du fait que l’accord de dimanche ne pipe pas mot de ZTE, géant technologique chinois, menacé de mort parce qu’il n’a plus accès à ses fournisseurs américains de composants.
Par ailleurs, les Européens refusent de rester en rade et exigent une exemption permanente de la surtaxe sur l’acier et sur l’aluminium. «Les Etats-Unis et la Chine risquent de se mettre d’accord sur le dos des Européens si l’Europe n’est pas capable de montrer de la fermeté, a prévenu dimanche le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, dans les médias français. Les Etats-Unis veulent faire payer aux pays européens les mauvais comportements de la Chine. Tout ça est totalement aberrant et incompréhensible pour les alliés.»
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