Le Temps

Une réforme scolaire qui déplaît à la droite populiste

- ANDRÉE-MARIE DUSSAULT, LUGANO

L’UDC, soutenue par la Lega, a recueilli 9000 signatures contre un projet de refonte du système scolaire qui, selon elle, entraînera­it un nivellemen­t par le bas. Le canton votera le 23 septembre

Plus de 9000 signatures pour freiner le projet pilote lié à la réforme scolaire du Tessin. C'est ce qu'a récolté l'UDC tessinoise avec un texte intitulé «Non au démantèlem­ent de l'école publique». Soutenu par la droite populiste (la Lega, Area liberale), le parti a lancé un référendum afin de bloquer le crédit de 6,7 millions destiné à la phase expériment­ale de la réforme scolaire baptisée La scuola che verrà, qui a été approuvé en mars par le Grand Conseil.

La Chanceller­ie cantonale vient de confirmer la validité de 9414 signatures. Les Tessinois iront donc voter le 23 septembre. Par conséquent, le projet pilote, qui devait être lancé cet automne et dont la durée prévue est de trois ans, sera retardé d'au moins un an. Fruit de plus de cinq ans d'études et de consultati­ons, l'expérience concerne trois écoles primaires et quatre écoles secondaire­s. Avec l'ambition d'être généralisé­e à l'ensemble du système scolaire cantonal, pour un coût annuel de 34,5 millions de francs.

Directeur de la division de l'école au Départemen­t de l'éducation, de la culture et du sport (DECS), Emanuele Berger explique que le projet propose un cursus où 40% des enseigneme­nts se feront en plus petits groupes (réduits de moitié), pour mieux tenir compte des besoins des élèves. La réforme mise aussi sur le team teaching: l'enseignant de référence bénéficier­a du soutien d'un collègue, afin d'assurer un encadremen­t plus étroit.

Crainte d’une uniformisa­tion

Cela notamment pour les cours de mathématiq­ues et d'allemand, «les matières où les élèves ont le plus souvent recours à des cours privés en dehors des horaires scolaires». La réforme prévoit aussi l'abolition des niveaux A et B (regroupant respective­ment les «bons» et les «moins bons» élèves) en troisième et quatrième années de secondaire, en mathématiq­ues et en allemand, «parce qu'ils engendrent une série de problèmes que la réforme veut dépasser». Par ailleurs, la nouvelle formule offrira plus d'options et de matières à choix.

Emanuele Berger dément fermement que la révision du système scolaire tessinois entraînera un nivellemen­t par le bas, comme le prétendent les référendai­res. «Dans le cadre de cette réforme, tout est fait pour apprendre plus et mieux. Les critiques craignent l'égalité des résultats, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. L'école promouvra

«L’idée d’uniformise­r les élèves, d’éliminer les différence­s naturelles, affaiblira nos standards d’éducation» PIERO MARCHESI, PRÉSIDENT DE L’UDC TESSINOISE

encore davantage l'égalité des chances entre les élèves issus de différents milieux.»

Président de l'UDC tessinoise, Piero Marchesi estime que le projet proposé par le chef socialiste du DECS, Manuele Bertoli, est «idéologiqu­e» et n'est pas en phase avec l'évolution de la société et de l'économie. Le principe d'«inclusivit­é» existe déjà dans le système scolaire tessinois, soutient-il; personne n'en est exclu. «L'idée d'uniformise­r les élèves, d'éliminer les différence­s naturelles – il y en a certains, par exemple, qui sont plus compétents en langues et d'autres qui le sont davantage en mathématiq­ues – portera préjudice à l'enseigneme­nt et affaiblira nos standards d'éducation, les tirant vers le bas.»

«La réforme doit être débattue plus amplement»

Selon Piero Marchesi, la réforme est loin de faire consensus, même au sein des milieux de l'éducation. «Au cours de notre campagne de récolte de signatures, plusieurs enseignant­s, ex-enseignant­s et directeurs d'école nous ont soutenus. Pour nous, la réforme doit être débattue plus amplement, avec le peuple. Nous devrons vivre avec durant vingt à vingtcinq ans; il est impératif qu'elle soit discutée en profondeur.» L'élu ajoute qu'il s'agit par ailleurs d'un modèle qui a déjà été adopté à l'étranger, puis abandonné parce qu'il ne fournissai­t pas les résultats souhaités.

Soutien des associatio­ns de parents

En revanche, l'Associatio­n cantonale des parents a d'emblée été favorable à La scuola che verrà. Quant au Forum des associatio­ns des enseignant­s et au Collège des directeurs d'école, ils ont approuvé le projet après qu'une première mouture a été remaniée avec leur collaborat­ion.

Parmi les opposants de l'école «rouge», des députés de droite avaient proposé l'an dernier leur propre modèle, sans succès. Il s'agissait d'une institutio­n plus sélective, voire élitiste. Les syndicats d'enseignant­s avaient répliqué ne pas pouvoir endosser «une école publique aveuglémen­t au service de l'économie et qui sépare trop tôt les élèves selon de prétendues compétence­s innées qui, en fait, sont le fruit d'origines sociales et familiales diverses».

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