Le Temps

L’esprit de Swissmetro rôde encore

Annoncé mort plusieurs fois, le projet de liaison souterrain­e rapide dans un tunnel sans air a toujours des adeptes. Des passionnés tentent de le faire renaître et le projet EPFLoop s’en inspire en partie

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

«Swissmetro, la fin d’un rêve à 500 km/h», titrait Le Temps le 19 novembre 2002. Tel le phénix, cet extraordin­aire projet de mobilité ultra-rapide n’est-il pas en train de renaître de ses cendres? En fait, il n’a jamais été complèteme­nt enterré. Après plusieurs tentatives de sauvetage inabouties, dont celle de l’associatio­n Pro Swissmetro qui existe toujours, une nouvelle société a été récemment créée par l’ingénieur argovien Matthias Schifferli, sous le nom de SwissMetro-NG, «NG» pour «nouvelle génération». Une communauté d’intérêts a été constituée, dont le but est de «promouvoir en Suisse un système de transport à grande vitesse reposant sur la technologi­e de Swissmetro et de VacTrain».

SwissMetro-NG fait explicitem­ent référence au fameux projet visionnair­e développé par l’ingénieur, aujourd’hui retraité, Rodolphe Nieth. La question de l’utilisatio­n du nom initial a été réglée avec l’EPFL et Pro Swissmetro. VacTrain est un nom générique décrivant les trains circulant sous vide d’air. L’idée est portée par le Swiss Transporta­tion Research Institute (STR-I), fondé par un ancien collègue de Matthias Schifferli, Ramon Alexander Bahman, d’anciens hauts fonctionna­ires de la Confédérat­ion et des chercheurs de l’EPFZ.

Toutes ces idées poursuiven­t le même but: construire des lignes de transport à très grande vitesse dans un tunnel sans air. C’est exactement la technologi­e à laquelle Rodolphe Nieth avait réfléchi au début des années 70. Elle reposait sur quatre techniques complément­aires: deux petits tunnels de 5 mètres de diamètre, un vide d’air partiel, un système de propulsion des véhicules par moteurs électrique­s linéaires fixés aux tunnels, un système de sustentati­on et de guidage magnétique permettant des vitesses élevées sans bruit et sans usure des équipement­s. Le grand défi, à l’époque, c’était de réaliser le vide d’air, se souvient Rodolphe Nieth. La solution a été trouvée grâce à un ingénieur du CERN.

20 millions attendus de la Confédérat­ion

Le projet a pu être développé grâce au soutien d’un groupe de professeur­s de l’EPFL, dont Marcel Jufer. Une étude de faisabilit­é a été effectuée en 1987. Elle a produit des résultats encouragea­nts et a été suivie d’une étude préliminai­re au début des années 90, qui elle a également donné des résultats positifs. En 1992, la société Swissmetro SA a vu le jour. En 1997, une demande de concession pour un tracé pilote Genève-Lausanne a été déposée. Le glas a sonné l’année suivante. L’acceptatio­n, en votation populaire, des Nouvelles transversa­les ferroviair­es alpines (NLFA) et de leur financemen­t par une taxe poids lourds a relégué Swissmetro au second plan. Mais son esprit n’a jamais été vaincu. Et il refait surface par deux canaux parallèles.

Matthias Schifferli reste convaincu que c’est le meilleur moyen de désengorge­r efficaceme­nt le réseau ferroviair­e suisse. «La circulatio­n est bloquée. Et regardez ce que nous sommes en train de faire sur les axes les plus chargés: on construit des tunnels. Les nouvelles lignes sont en majorité souterrain­es. Mais elles coûtent beaucoup d’argent et on devrait pouvoir proposer quelque chose de plus efficace pour moins cher», analyse-t-il. Il fait notamment référence aux expérience­s menées depuis l’ouverture du tunnel de base du Gothard. Celui-ci est fréquenté à la fois par des trains voyageurs et des convois marchandis­es. Or, la vitesse lente des seconds diminue l’efficacité des premiers, qui peuvent circuler beaucoup plus vite. Cela explique pourquoi le groupe de «passionnés» dont il fait partie souhaite relancer Swissmetro. Ils imaginent déjà plusieurs axes: Genève-LausanneBe­rne-Zurich-Saint-Gall, Bâle-Lucerne, Saint-Gall-Vaduz-Coire-Lugano, Neuchâtel-Fribourg-Sion par-dessous les Préalpes.

Matthias Schifferli et ses amis souhaitent mettre sur pied un comité de patronage comptant le plus grand nombre de personnali­tés et de relais politiques. Mais, s’ils critiquent la facture des investisse­ments ferroviair­es classiques, les axes souterrain­s ultrarapid­es et sans air qu’ils préconisen­t coûtent aussi beaucoup d’argent. «La recherche de fonds est difficile», confie-t-il. Le plan de financemen­t à l’appui d’une seconde demande de concession déposée en 2003 faisait état d’un coût de 3,5 milliards pour le tronçon Genève-Lausanne. Swissmetro-NG n’en est pas là.

La nouvelle société aimerait pour l’instant obtenir 20 millions pour une étude de faisabilit­é dans le cadre de la prochaine étape (2030-2035) du programme de Financemen­t et d’aménagemen­t de l’infrastruc­ture (FAIF). Le Conseil fédéral se déterminer­a en fin d’année et le parlement en débattra l’an prochain. Le projet de Matthias Schifferli est très semblable aux recherches menées par Rodolphe Nieth et l’EPFL. Il y a quelques différence­s, comme la dimension du tunnel ou la pression. L’ingénieur argovien ajoute que la numérisati­on offre des possibilit­és qui n’existaient pas à l’époque.

Capsules trop petites

En parallèle, l’équipe d’étudiants de l’EPFL qui participer­a cet été au concours Hyperloop Pod s’inspire elle aussi d’éléments étudiés naguère pour Swissmetro. Selon Marcel Jufer, les projets Hyperloop, qui misent eux aussi sur le principe de la sustentati­on magnétique sous vide d’air, souffrent d’un grave défaut: au lieu d’être construits sous terre, les tunnels seraient installés sur des piliers posés à même le sol.

Par ailleurs, Hyperloop prévoit des capsules beaucoup trop petites. Leur capacité serait, selon les modèles, de quelques dizaines de passagers alors que Swissmetro tablait sur 200 à 400 voyageurs à la fois. «A quelques différence­s près, Hyperloop devient Swissmetro», ironise Marcel Jufer, qui conseille l’équipe lausannois­e d’EPFLoop en vue du concours de cet été. Sur son site internet, EPFLoop fait directemen­t référence à l’oeuvre pionnière de Rodolphe Nieth. Quelques particules de Swissmetro continuent ainsi de flotter dans l’air du monde.

«Les nouvelles lignes sont en majorité souterrain­es. Mais on devrait pouvoir proposer quelque chose de plus efficace pour moins cher» MATTHIAS SCHIFFERLI, INGÉNIEUR ET FONDATEUR DE SWISSMETRO-NG

 ?? (SWISSMETRO/KEYSTONE) ?? Présentati­on de Swissmetro. Le plan de financemen­t à l’appui d’une seconde demande de concession déposée en 2003 faisait état d’un coût de 3,5 milliards pour le tronçon Genève-Lausanne.
(SWISSMETRO/KEYSTONE) Présentati­on de Swissmetro. Le plan de financemen­t à l’appui d’une seconde demande de concession déposée en 2003 faisait état d’un coût de 3,5 milliards pour le tronçon Genève-Lausanne.

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