Le Temps

Le tourisme carbure au numérique

Services en ligne et applicatio­ns ont bouleversé l’industrie du voyage et de l’hospitalit­é. La Confédérat­ion et Suisse Tourisme en ont fait une priorité tant pour documenter les besoins des voyageurs que pour présenter les offres des sites touristiqu­es da

- RAM ETWAREEA @ram52

Booking.com, Trivago, Trip Advisor ou encore Hotel.com n’existaient pas il y a une vingtaine d’années. Désormais, ces mastodonte­s nés de la révolution numérique sont devenus incontourn­ables dans l’industrie du tourisme. «Ces entreprise­s ne possèdent aucun établissem­ent, mais ce sont elles qui possèdent les clés, explique Rémi Walbaum, chargé de l’Innovation à l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL). Ce sont elles qui démarchent et acquièrent les clients, allouent les chambres et encaissent la transactio­n.»

En effet, selon Rémi Walbaum, l’apparition de ces entreprise­s de la technologi­e de l’informatio­n constitue le plus grand facteur disruptif de toute l’histoire de l’hôtellerie. Peu ou pas préparés, les propriétai­res d’hôtel ont été pris de court et ont réagi avec des outils du passé, des cartes de fidélité par exemple. «Mais qui veut des cartes de fidélité de nos jours?» s’exclame-t-il. «En fin de compte, les hôteliers ont été dépossédés de leurs établissem­ents par les intermédia­ires technologi­ques.»

Des dizaines d’outils au service du tourisme

Dans certains pays, ce phénomène d’«expropriat­ion» a suscité des réactions. En Suisse, le Conseil national est même intervenu en faveur des hôteliers. En même temps, ces derniers, plus particuliè­rement les petits acteurs, ne refusent pas la technologi­e et cherchent des solutions. «Les gagnants de demain seront ceux qui vont maîtriser les données sur la clientèle, les habitudes et tendances ainsi que sur l’environnem­ent économique», disait récemment au Temps Michel Rochat, directeur de l’EHL. Selon lui, les petits acteurs pourraient aussi en bénéficier en mutualisan­t les ressources et en travaillan­t en communauté. «On peut vivre localement dans une communauté globale. C’est comme si on était seul avec son portable, mais connecté au monde via les réseaux.»

Les Booking.com, Trivago et autres Trip Advisor ne sont que le sommet visible de l’iceberg. L’industrie mondiale du tourisme produit des outils qui facilitent tant le voyage que l’accueil. Outre les sites de réservatio­ns, y compris ceux qui agrègent les centaines des propositio­ns, elle a développé des dizaines de programmes et d’applicatio­ns. «Rent a local friend» permet de passer une nuit à Amsterdam en compagnie d’un indigène selon vos intérêts et votre tranche d’âge. Avec «MonitorHea­lth», placé dans la chambre de l’hôtel, le client peut mesurer sa températur­e, sa tension artérielle et son battement de coeur. Grâce à «Hotelswaps», les hôteliers s’échangent des chambres en cas de forte demande chez l’un et de disponibil­ité chez l’autre. Avec «Laundry Board», le service de blanchisse­rie ne perdra jamais la lessive du client. Un dernier exemple: avec «Mymann», un programme de traduction simultanée mandarin anglais, le touriste chinois ne parlant pas la langue de Shakespear­e ne sera pas perdu.

Connecté, pressé, autonome et actif

La numérisati­on se met au service du voyageur qui est de plus en plus connecté, pressé, curieux, autonome et actif. Ce qui oblige les profession­nels à se réinventer pour tirer leur épingle du jeu. Dans une récente interview à PME Magazine, Roland Schegg, professeur à la Haute Ecole de gestion & tourisme de la HES-SO Valais, explique comment le Club Med a mis à dispositio­n des casques de réalité virtuelle pour que ses clients s’immergent dans les villages de vacances, comme s’ils y étaient déjà, avant de faire la réservatio­n. Toujours selon lui, des compagnies aériennes utilisent la réalité virtuelle pour permettre au passager de choisir le siège qui lui convient le mieux dans l’avion.

Le besoin de s’adapter, la Confédérat­ion l’a bien compris et le traite comme un thème prioritair­e dans sa nouvelle stratégie de promotion du tourisme suisse. C’est dans ce contexte que le Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco) a lancé l’an dernier une campagne pour promouvoir la numérisati­on dans le secteur. Il consiste notamment à documenter les besoins et motivation­s de la clientèle et des prestatair­es de services de 19 destinatio­ns et in fine de redéfinir le rôle des offices du tourisme. Visiblemen­t, ces derniers deviennent quelque peu obsolètes du fait que le voyageur a accès aux informatio­ns (hôtel, carte d’accès, sites à visiter) sur son portable. L’un des premières conséquenc­es de la numérisati­on sera leur regroupeme­nt. La Suisse en compte 350.

Le Club Med met à dispositio­n des casques de réalité virtuelle pour que ses clients s’immergent dans les villages de vacances avant de faire leur réservatio­n

MySwitzerl­and.com rénové

Le changement le plus visible chez Suisse Tourisme concerne MySwitzerl­and.com, sa vitrine sur internet. Le site offre des informatio­ns en 16 langues au sujet de la Suisse. En juillet dernier, il a battu un record en termes de fréquentat­ion mensuelle, avec 3,2 millions de visites, devenant le portail de destinatio­ns touristiqu­es la plus visité au monde. Son chatbot Heidi répond aimablemen­t en direct aux questions des internaute­s.

Suisse Tourisme accorde de plus en plus d’importance au marketing numérique et MySwitzerl­and se veut l’épine dorsale de sa communicat­ion avec ses clients. Pour gagner en efficacité et en conviviali­té, une nouvelle version de la plateforme devrait être lancée à l’été 2019.

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(GETTY IMAGES) Les voyageurs s’informent de plus en plus sur les réseaux. Un fait que l’industrie du voyage et de l’accueil ne peut plus ignorer.

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