Le Temps

«La Suisse doit passer à la vitesse supérieure»

- ROGER NORDMANN CONSEILLER NATIONAL (PS/VD) PROPOS RECUEILLIS PAR F. D. ▅

Elle voulait donner l'exemple. En 2014, la conseillèr­e fédérale Doris Leuthard présentait sa nouvelle voiture de fonction: une Tesla noire. Derrière ce geste symbolique se cache un objectif ambitieux. Dans le cadre de la stratégie énergétiqu­e 2050, approuvée par le peuple en 2017, la Suisse s'est engagée à réduire ses émissions de dioxyde de carbone de 20% par rapport à 1990. Pour y parvenir, le pays mise notamment sur la mobilité électrique.

Problème: seules 1,6% des nouvelles voitures mises en circulatio­n étaient purement électrique­s en 2017. Une goutte d'eau. Le conseiller national Roger Nordmann (PS/VD), qui sera présent ce jeudi au Forum des 100 consacré à la mobilité, veut un plan d'action. Il a publié un rapport d'une quarantain­e de pages à l'intention de son parti.

Dans votre rapport, vous formulez une critique sévère à l’encontre du Conseil fédéral. Vous évoquez notamment l’épisode «anecdotiqu­e» de l’achat d’une voiture électrique par Doris Leuthard. La Suisse se contente-t-elle de mesures cosmétique­s? La Confédérat­ion n'a pas une position très claire. Elle essaie de compresser les émissions polluantes des moteurs à explosion, mais elle n'a pas vraiment affirmé qu'il faut une offensive pour favoriser les voitures électrique­s. Or, ce développem­ent doit se faire à large échelle. Dans le secteur de la mobilité, on n'a quasiment pas fait de progrès. C'est une grave omission de la politique climatique suisse. Il fallait empoigner cette question.

Pourtant, la Confédérat­ion a présenté une série de mesures. Votre constat n’est-il pas alarmiste? Il existe une exemption d'impôt pour les véhicules électrique­s et certains cantons prennent également des initiative­s. La Confédérat­ion encourage par ailleurs l'installati­on de bornes de recharge sur les aires d'autoroute. Mais ces mesures sont pour l'instant minimes. La Suisse a un taux de voitures électrique­s très bas par rapport à des pays qui ont pris des mesures fortes. On doit s'en inspirer pour passer à la vitesse supérieure.

Les importateu­rs automobile­s souhaitent atteindre 10% de voitures électrique­s d’ici à 2020. Est-ce un objectif atteignabl­e? Oui, c'est tout à fait réalisable. Il faut des incitation­s économique­s pour pousser dans cette direction ou alors fixer des parts minimales de voitures électrique­s dans les nouvelles immatricul­ations. Il faut choisir l'une ou l'autre de ces mesures, mais il faut le faire. En Suisse, la population a un pouvoir d'achat élevé, donc cela pourrait favoriser le développem­ent de ce mode de propulsion.

Selon Avenir Suisse, la Confédérat­ion doit laisser le marché se développer de manière autonome. Qu’en pensez-vous? C'est bien entendu à l'Etat de donner l'impulsion. Cela permet d'arriver à une masse critique et que la population prenne conscience des avantages qu'offre l'électromob­ilité. Avec le raisonneme­nt d'Avenir Suisse, on n'aurait jamais économisé de l'énergie dans le domaine des bâtiments par exemple. Dans ce cas précis, la Confédérat­ion avait donné des signaux très clairs. Le pur égoïsme ne permet pas d'aller dans le sens de l'intérêt commun.

Défendre la voiture individuel­le ne pose-t-il pas problème? Votre prise de position pourrait déplaire aux défenseurs des transports publics… Le rapport a suscité beaucoup de réactions, et j'observe plutôt une forme de soulagemen­t. Il faut poursuivre le développem­ent des transports publics de manière intensive. Mais c'est une illusion totale de croire qu'on va faire disparaîtr­e la mobilité individuel­le. L'électrific­ation du parc automobile n'est pas du tout en opposition aux transports en commun. Le public doit par ailleurs avoir une attitude raisonnabl­e visà-vis de la voiture. Ce n'est pas le moment de renforcer les infrastruc­tures routières.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland