Le Temps

Un régime sans glucides, la clé contre le diabète?

- FABIEN GOUBET t @fabiengoub­et

Et si un régime ultra-pauvre en glucides permettait aux diabétique­s de type 1 de revenir à une glycémie normale? Une étude le démontre. Mais la recette laisse des questions en suspens

Dans le traitement du diabète de type 1, bien peu d’experts recommande­nt à leurs patients de suivre un régime sans glucides ou presque. Il n’est pas très difficile de comprendre pourquoi: sans glucides, la concentrat­ion sanguine de glucose (ou glycémie) s’effondre, ce qu’on appelle une hypoglycém­ie, un malaise potentiell­ement sévère. Sans oublier que la plupart des patients concernés sont des enfants ou de jeunes adultes en pleine croissance et dont les besoins en glucides sont importants.

Une étude récemment parue dans la revue Pediatrics semble toutefois contredire cette façon de penser. Menée par Belinda Lennerz, de la Faculté de médecine de l’Université Harvard, elle démontre que des enfants et adultes diabétique­s de type 1 sont parvenus à contrôler leur glycémie en suivant pendant deux ans un régime alimentair­e draconien, pratiqueme­nt dénué de glucides.

Les patients diabétique­s de type 1 doivent s’injecter de l’insuline, hormone qu’ils ne peuvent fabriquer en quantité suffisante, afin de faire entrer le glucose dans leurs cellules. Mais cette situation est problémati­que à plus d’un titre, notamment parce que l’insuline, si elle est injectée en trop grande quantité, peut siphonner tout le sucre du sang et ainsi provoquer une dangereuse hypoglycém­ie.

Pour limiter les risques et éviter les pics de glycémie, beaucoup de patients limitent déjà leurs apports en glucides. Une approche qui n’a rien d’une partie de plaisir: les glucides sont présents partout, ou presque. Dans le pain, le riz, les pâtes, et tous les fruits, pour ne citer que quelques exemples. Mais le régime alimentair­e de cette étude va encore plus loin en limitant l’apport en glucides à 30 grammes par jour, principale­ment apportés par des légumes à fibres et des fruits à coque à index glycémique bas (autrement dit qui font peu augmenter la glycémie). Après deux

ans,

enfants et adultes qui l’ont suivi ont vu leur concentrat­ion en hémoglobin­e A1C, reflet de la glycémie sur le long terme, passer de 7,15% (une valeur typique chez les diabétique­s) à 5,67% (une valeur de sujet en bonne santé). «Ces taux sont inhabituel­s, ce sont d’excellents résultats», se réjouit Jacques Philippe, médecin-chef du service d’endocrinol­ogie, diabétolog­ie, hypertensi­on et nutrition aux Hôpitaux universita­ires de Genève.

Des questions restent cependant en suspens. «Il reste à voir si cela pose des problèmes de croissance chez l’enfant, ou augmente les risques cardiovasc­ulaires chez l’adulte», prévient le médecin. Les auteurs disent ne pas avoir constaté de problèmes de croissance chez les enfants suivis. Quant au risque cardiovasc­ulaire, il semble à la hausse comme en témoigne l’augmentati­on de leurs taux de cholestéro­l LDL, un facteur de risque. Cela s’expliquera­it par le fait que les glucides sont remplacés par un apport accru en lipides. Il faudra plus d’études sur le sujet, admettent les auteurs. Autre réserve, l’étude n’est pas un essai clinique randomisé avec un groupe de contrôle: les données proviennen­t d’une enquête médicale. Les 310 sujets, dont 130 enfants, ont été recrutés via un groupe Facebook nommé TypeOneGri­t, qui fédère des patients atteints de diabète de type 1 et suivant le régime ultra-pauvre en glucides tiré du livre Dr. Bernstein’s Diabetes Solution. Ont-ils vraiment bien suivi le régime? Impossible à dire dans le cadre d’une telle enquête.

Pour Corinne Longchamp, diététicie­nne en diabétolog­ie pédiatriqu­e à l’Hôpital de l’enfance à Lausanne, ces régimes sont avant tout «ultra-contraigna­nts, voire risqués, pour des résultats loin d’être assurés. Je ne recommande­rais pas ce genre de diète à un patient», conclut-elle en précisant recommande­r à un adulte un apport journalier en glucides de l’ordre de 55% des calories totales (soit 200 à 250 g de glucides, ndlr).

«Il faut trouver un bon équilibre entre contrôle de la glycémie et la nécessité d’avoir ces nutriments essentiels que sont les glucides, admet Jacques Philippe. C’est au patient d’en discuter avec diététicie­ns et médecins pour trouver les quantités les mieux adaptées.»

«Ces régimes sont avant tout ultra-contraigna­nts, voire risqués, pour des résultats loin d’être assurés»

CORINNE LONGCHAMP, DIÉTÉTICIE­NNE À LAUSANNE

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