Le Temps

Les étiquettes trompeuses de l’agroalimen­taire

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

Création de standards personnali­sés ou engagement­s vagues: une étude pointe le «fossé» qui sépare la réalité des étalages et les promesses nutritives. Sur 23 000 produits, seuls un tiers peuvent être considérés comme «sains»

Traitement­s nutritionn­els, santé, alicaments: les groupes agroalimen­taires empruntent toujours plus à la pharma mais leur réalité industriel­le est plus nuancée. Seuls un tiers des produits des 22 leaders du secteur peuvent être catégorisé­s comme «sains» (healthy), selon l'indice mondial 2018 d'accès à la nutrition, publié mercredi, qui a passé en revue 23013 produits dans neuf des plus gros marchés mondiaux.

La fondation néerlandai­se Access to Nutrition Index (ATNI) reconnaît les efforts des multinatio­nales pour encourager une alimentati­on plus saine. Mais elle veut jeter une lumière crue sur la réalité des étalages. La directrice exécutive Inge Kauer évoque une «crise nutritionn­elle» avec deux milliards d'individus en surpoids, 850 millions souffrant de la faim et des dizaines de milliards de dollars de coûts induits pour la santé.

Le flou des engagement­s

L'indice met en avant le flou qui entoure les engagement­s alimentair­es de certains groupes, des stratagème­s visant à réduire la taille de produits peu reconnus pour leur valeur nutritive pour les requalifie­r en produits sains, ainsi que l'élaboratio­n par les entreprise­s de leurs propres standards de qualité. Forcément moins stricts que ceux des instituts indépendan­ts.

Illustrati­on avec Nestlé, qu'ATNI classe devant tous ses concurrent­s pour ses efforts dans l'accessibil­ité des produits sains et ses engagement­s nutritionn­els, mais seulement à la 13e place (sur 21) en ce qui concerne le profil nutritionn­el de son portefeuil­le de produits.

Conséquenc­e: la marque affirme avoir généré 80% de ses revenus sur des produits sains en 2016. Elle n'en aurait en réalité réalisé que 19%, selon ATNI. Un «fossé» qui prouve, selon Inge Kauer, qu'il est «urgent de clarifier le vrai profil nutritif des produits en les évaluant en fonction de leur niveau de sel, sucre et graisse».

Le géant veveysan, qui a souhaité communique­r avant la publicatio­n du rapport, ne cache pas utiliser ses propres outils de mesure. «Nous voulons comparer les yaourts dans leur catégorie de produits et pas à l'aune du reste des produits agroalimen­taires», explique Cécile Duprez-Naudy, chargée des affaires publiques chez Nestlé. Le groupe renvoie à son portefeuil­le de 3000 marques, qui inclut du chocolat ou des glaces mais aussi des produits enrichis en fer ou en vitamines pour les marchés où des carences sont décelées. «Il n'y a pas de produit mauvais en soi, souligne Cécile Duprez-Naudy. Mais il peut l'être s'il ne s'inscrit pas dans un bon régime alimentair­e.»

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