Les étiquettes trompeuses de l’agroalimentaire
Création de standards personnalisés ou engagements vagues: une étude pointe le «fossé» qui sépare la réalité des étalages et les promesses nutritives. Sur 23 000 produits, seuls un tiers peuvent être considérés comme «sains»
Traitements nutritionnels, santé, alicaments: les groupes agroalimentaires empruntent toujours plus à la pharma mais leur réalité industrielle est plus nuancée. Seuls un tiers des produits des 22 leaders du secteur peuvent être catégorisés comme «sains» (healthy), selon l'indice mondial 2018 d'accès à la nutrition, publié mercredi, qui a passé en revue 23013 produits dans neuf des plus gros marchés mondiaux.
La fondation néerlandaise Access to Nutrition Index (ATNI) reconnaît les efforts des multinationales pour encourager une alimentation plus saine. Mais elle veut jeter une lumière crue sur la réalité des étalages. La directrice exécutive Inge Kauer évoque une «crise nutritionnelle» avec deux milliards d'individus en surpoids, 850 millions souffrant de la faim et des dizaines de milliards de dollars de coûts induits pour la santé.
Le flou des engagements
L'indice met en avant le flou qui entoure les engagements alimentaires de certains groupes, des stratagèmes visant à réduire la taille de produits peu reconnus pour leur valeur nutritive pour les requalifier en produits sains, ainsi que l'élaboration par les entreprises de leurs propres standards de qualité. Forcément moins stricts que ceux des instituts indépendants.
Illustration avec Nestlé, qu'ATNI classe devant tous ses concurrents pour ses efforts dans l'accessibilité des produits sains et ses engagements nutritionnels, mais seulement à la 13e place (sur 21) en ce qui concerne le profil nutritionnel de son portefeuille de produits.
Conséquence: la marque affirme avoir généré 80% de ses revenus sur des produits sains en 2016. Elle n'en aurait en réalité réalisé que 19%, selon ATNI. Un «fossé» qui prouve, selon Inge Kauer, qu'il est «urgent de clarifier le vrai profil nutritif des produits en les évaluant en fonction de leur niveau de sel, sucre et graisse».
Le géant veveysan, qui a souhaité communiquer avant la publication du rapport, ne cache pas utiliser ses propres outils de mesure. «Nous voulons comparer les yaourts dans leur catégorie de produits et pas à l'aune du reste des produits agroalimentaires», explique Cécile Duprez-Naudy, chargée des affaires publiques chez Nestlé. Le groupe renvoie à son portefeuille de 3000 marques, qui inclut du chocolat ou des glaces mais aussi des produits enrichis en fer ou en vitamines pour les marchés où des carences sont décelées. «Il n'y a pas de produit mauvais en soi, souligne Cécile Duprez-Naudy. Mais il peut l'être s'il ne s'inscrit pas dans un bon régime alimentaire.»
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