Le Temps

La mobilité, à l’heure des choix

Voitures électrique­s, autonomes ou volantes: les experts réunis à l’occasion du Forum des 100 ont tenté d’esquisser l’avenir de nos déplacemen­ts. Le temps presse alors que, du côté de Berne, on se rêve déjà en «smart nation»

- VALÈRE GOGNIAT ET ADRIÀ BUDRY CARBÓ @valeregogn­iat) @AdriaBudry

Un «feu d’artifice». C’est comme cela que les experts réunis jeudi par Le Temps voient la mobilité de demain. Que l’on pense aux réseaux saturés de l’Arc lémanique, à la multiplica­tion des vols low cost ou aux autoroutes cauchemard­esques de Pékin: la situation semble partout critique. Dès lors, comment répondre à la demande croissante de mobilité en tenant compte des contrainte­s climatique­s mais également des exigences de fluidité, de vitesse, de sécurité, de coût et d’accessibil­ité?

Virginie Raisson, du laboratoir­e français Lépac, avait parfaiteme­nt résumé la question. Mais, à l’Amphimax de l’Université de Lausanne, les intervenan­ts de cette 14e édition du Forum des 100 n’ont pu qu’esquisser des pistes de réponse. Un point a cependant mis tout le monde d’accord: «On ne peut pas se permettre de dire «on attend», a souligné Doris Leuthard. Et la conseillèr­e fédérale en charge de l’environnem­ent, des transports, de l’énergie et de la communicat­ion d’ajouter: «Il faut investir dans le rail et les routes nationales pour être préparé à la demande de demain.»

Changer les mentalités

La demande de demain? A quoi ressembler­a-t-elle? Partirons-nous en vacances avec un avion électrique? Des voitures volantes? Des trains souterrain­s? Difficile d’imaginer un mode de transport dont il n’a pas été question durant les quelque cinq heures de discussion. Ce d’autant que la réponse aux défis à venir sera forcément multimodal­e, ont matraqué la quasi-totalité des intervenan­ts.

L’essentiel des débats a néanmoins tourné autour des voitures. Electrique­s, d’abord. Et si les consommate­urs ne sont peut-être pas encore tout à fait prêts à franchir ce pas (pour des questions de mentalité mais également pour des raisons plus terre à terre de disponibil­ité de bornes de recharge), certains constructe­urs automobile­s, eux, se disent prêts.

«Avant, nous fabriquion­s des boîtes en acier avec lesquelles nous maximision­s nos profits», affirmait par exemple le vice-président de Nissan Europe, Ponz Pandikuthi­ra. Désormais, l’entreprise dit écouler «une Nissan Leaf [son modèle électrique] toutes les douze minutes depuis le début de l’année». «Quand on arrive à proposer ces véhicules à un prix abordable, les mentalités changent d’elles-mêmes», a lancé Ponz Pandikuthi­ra.

La variante sans conducteur était également à l’ordre du jour. Car certains voient dans le développem­ent des voitures autonomes LA solution pour fluidifier le trafic tout en sécurisant les routes. A cet égard, la start-up vaudoise Bestmile développe une plateforme numérique permettant de gérer ces véhicules, à la manière d’une tour de contrôle dans le monde aéroportua­ire.

Vieux fantasmes futuristes

Plus futuriste encore, la question des taxis volants a beaucoup fait jaser. Attendus initialeme­nt à l’aube de l’an 2000, comme l’a rappelé le dessinateu­r Chappatte, ces derniers se font aujourd’hui toujours désirer. On les a beaucoup vus jeudi au fil des conférence­s, ces engins volants. Parfois pour moquer ce vieux fantasme mais aussi pour évoquer des projets très concrets, à l’image d’Uber Air (voir ci-dessous). «La limite, ce n’est pas le ciel, mais le fioul», a cependant rappelé Raphaël Domjan, l’éco-explorateu­r derrière SolarStrat­os.

Et l’Hyperloop, alors? Ce projet de super-métro porté par l’entreprene­ur Elon Musk a lui aussi été maintes fois évoqué durant la matinée – peut-être aussi souvent que son ancêtre helvétique, Swissmetro. Mais, globalemen­t, il a été jugé peu crédible. Prévus pour glisser à quelque 1200 kilomètres à l’heure dans des tubes souterrain­s, ces trains à très grande vitesse sont séduisants sur le papier. Mais le coût de l’opération serait «exorbitant», pour reprendre le mot de Virginie Raisson. Des doutes partagés par Siegfried Gerlach, patron de Siemens Suisse. Et pourtant. Comme les drones ou le projet de Cargo Sous Terrain, ce type d’initiative permettrai­t de préserver les paysages.

Mais, en fin de compte, faudra-t-il privilégie­r la vitesse? La sécurité? L’accessibil­ité? Les idées les plus économique­s? «On n’échappera pas à une hiérarchis­ation des priorités», assure Virginie Raisson. Mais le public a semblé douter que ces réponses puissent venir du monde politique. Dans un sondage réalisé in vivo durant le Forum, quelque 341 personnes – sur environ 600 – ont déclaré «ne pas faire confiance aux politiques pour résoudre les problèmes de mobilité». Un scepticism­e qui n’étonne pas Nuria Gorrite. Selon la présidente du Conseil d’Etat vaudois, les gens ont «besoin de trains à telle heure pour aller du point A au point B. Et la réponse des politiques, c’est plutôt de dire que oui, ce sera prêt en 2025…» Au-delà de la boutade, cette dernière a prévenu que les investisse­ments des pouvoirs publics allaient devoir être «massifs» pour répondre à la demande croissante de mobilité.

Doris Leuthard a justement assuré qu’elle allait mettre le paquet pour assurer le développem­ent de la 5G même si «des sénateurs voulaient attendre». Sans cette technologi­e permettant des débits de télécommun­ication mobile de plusieurs gigabits par seconde, difficile d’envisager une Suisse grouillant de voitures autonomes et survolée par des drones. Pourtant, la ministre rêve déjà la Suisse en smart nation.

Dans un sondage réalisé durant le Forum, 341 personnes – sur 600 – ont déclaré «ne pas faire confiance aux politiques pour résoudre les problèmes de mobilité»

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