La mobilité, à l’heure des choix
Voitures électriques, autonomes ou volantes: les experts réunis à l’occasion du Forum des 100 ont tenté d’esquisser l’avenir de nos déplacements. Le temps presse alors que, du côté de Berne, on se rêve déjà en «smart nation»
Un «feu d’artifice». C’est comme cela que les experts réunis jeudi par Le Temps voient la mobilité de demain. Que l’on pense aux réseaux saturés de l’Arc lémanique, à la multiplication des vols low cost ou aux autoroutes cauchemardesques de Pékin: la situation semble partout critique. Dès lors, comment répondre à la demande croissante de mobilité en tenant compte des contraintes climatiques mais également des exigences de fluidité, de vitesse, de sécurité, de coût et d’accessibilité?
Virginie Raisson, du laboratoire français Lépac, avait parfaitement résumé la question. Mais, à l’Amphimax de l’Université de Lausanne, les intervenants de cette 14e édition du Forum des 100 n’ont pu qu’esquisser des pistes de réponse. Un point a cependant mis tout le monde d’accord: «On ne peut pas se permettre de dire «on attend», a souligné Doris Leuthard. Et la conseillère fédérale en charge de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication d’ajouter: «Il faut investir dans le rail et les routes nationales pour être préparé à la demande de demain.»
Changer les mentalités
La demande de demain? A quoi ressemblera-t-elle? Partirons-nous en vacances avec un avion électrique? Des voitures volantes? Des trains souterrains? Difficile d’imaginer un mode de transport dont il n’a pas été question durant les quelque cinq heures de discussion. Ce d’autant que la réponse aux défis à venir sera forcément multimodale, ont matraqué la quasi-totalité des intervenants.
L’essentiel des débats a néanmoins tourné autour des voitures. Electriques, d’abord. Et si les consommateurs ne sont peut-être pas encore tout à fait prêts à franchir ce pas (pour des questions de mentalité mais également pour des raisons plus terre à terre de disponibilité de bornes de recharge), certains constructeurs automobiles, eux, se disent prêts.
«Avant, nous fabriquions des boîtes en acier avec lesquelles nous maximisions nos profits», affirmait par exemple le vice-président de Nissan Europe, Ponz Pandikuthira. Désormais, l’entreprise dit écouler «une Nissan Leaf [son modèle électrique] toutes les douze minutes depuis le début de l’année». «Quand on arrive à proposer ces véhicules à un prix abordable, les mentalités changent d’elles-mêmes», a lancé Ponz Pandikuthira.
La variante sans conducteur était également à l’ordre du jour. Car certains voient dans le développement des voitures autonomes LA solution pour fluidifier le trafic tout en sécurisant les routes. A cet égard, la start-up vaudoise Bestmile développe une plateforme numérique permettant de gérer ces véhicules, à la manière d’une tour de contrôle dans le monde aéroportuaire.
Vieux fantasmes futuristes
Plus futuriste encore, la question des taxis volants a beaucoup fait jaser. Attendus initialement à l’aube de l’an 2000, comme l’a rappelé le dessinateur Chappatte, ces derniers se font aujourd’hui toujours désirer. On les a beaucoup vus jeudi au fil des conférences, ces engins volants. Parfois pour moquer ce vieux fantasme mais aussi pour évoquer des projets très concrets, à l’image d’Uber Air (voir ci-dessous). «La limite, ce n’est pas le ciel, mais le fioul», a cependant rappelé Raphaël Domjan, l’éco-explorateur derrière SolarStratos.
Et l’Hyperloop, alors? Ce projet de super-métro porté par l’entrepreneur Elon Musk a lui aussi été maintes fois évoqué durant la matinée – peut-être aussi souvent que son ancêtre helvétique, Swissmetro. Mais, globalement, il a été jugé peu crédible. Prévus pour glisser à quelque 1200 kilomètres à l’heure dans des tubes souterrains, ces trains à très grande vitesse sont séduisants sur le papier. Mais le coût de l’opération serait «exorbitant», pour reprendre le mot de Virginie Raisson. Des doutes partagés par Siegfried Gerlach, patron de Siemens Suisse. Et pourtant. Comme les drones ou le projet de Cargo Sous Terrain, ce type d’initiative permettrait de préserver les paysages.
Mais, en fin de compte, faudra-t-il privilégier la vitesse? La sécurité? L’accessibilité? Les idées les plus économiques? «On n’échappera pas à une hiérarchisation des priorités», assure Virginie Raisson. Mais le public a semblé douter que ces réponses puissent venir du monde politique. Dans un sondage réalisé in vivo durant le Forum, quelque 341 personnes – sur environ 600 – ont déclaré «ne pas faire confiance aux politiques pour résoudre les problèmes de mobilité». Un scepticisme qui n’étonne pas Nuria Gorrite. Selon la présidente du Conseil d’Etat vaudois, les gens ont «besoin de trains à telle heure pour aller du point A au point B. Et la réponse des politiques, c’est plutôt de dire que oui, ce sera prêt en 2025…» Au-delà de la boutade, cette dernière a prévenu que les investissements des pouvoirs publics allaient devoir être «massifs» pour répondre à la demande croissante de mobilité.
Doris Leuthard a justement assuré qu’elle allait mettre le paquet pour assurer le développement de la 5G même si «des sénateurs voulaient attendre». Sans cette technologie permettant des débits de télécommunication mobile de plusieurs gigabits par seconde, difficile d’envisager une Suisse grouillant de voitures autonomes et survolée par des drones. Pourtant, la ministre rêve déjà la Suisse en smart nation.
Dans un sondage réalisé durant le Forum, 341 personnes – sur 600 – ont déclaré «ne pas faire confiance aux politiques pour résoudre les problèmes de mobilité»