Le Temps

Changer de politique pour éviter un réchauffem­ent climatique extrême Débats

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Comment notre société va-t-elle sortir de l’âge du carbone? C’est le défi du XXIe siècle, qui déterminer­a si nous parvenons ou non à éviter un réchauffem­ent extrême de 4 à 5 °C. C’est aussi un sujet actuel car la loi sur le CO2, l’outil qui doit nous permettre de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, est en ce moment en cours de révision au parlement fédéral à Berne.

Pour relever ce pari, nous devons parvenir à «zéro émission nette» dès 2050. Cela signifie que nous ne produirons pas plus de gaz à effet de serre que ce que la planète peut absorber, notamment par le biais des forêts.

Sortir de l’âge du carbone nécessite un véritable changement de paradigme, qui affectera en première ligne les secteurs du bâtiment, des transports, de l’alimentati­on, et plus largement la place financière et notre mode de consommati­on. Dans tous ces domaines, le renforceme­nt de la taxe carbone introduite par la loi CO2 favorisera la transition énergétiqu­e, si elle est suffisamme­nt élevée pour influencer les comporteme­nts et les décisions d’investisse­ment.

Pour le bâtiment, «zéro émission nette» implique un assainisse­ment complet afin d’arriver à un parc immobilier parfaiteme­nt isolé, chauffé par des agents non fossiles comme la géothermie, le bois ou le solaire. Vaste chantier, que la loi CO2 actuelle nous a permis d’amorcer grâce à un système de subvention­s, aboutissan­t à une première diminution des émissions de 26%. Pourtant, le Conseil fédéral propose dans la révision de la loi d’arrêter ces subvention­s en 2025!

Dans le secteur des transports, la politique actuelle est un échec: les émissions ont augmenté de 4% depuis 1990. Pour parvenir à «zéro émission nette», nous devrons miser sur les voitures électrique­s. Les matériaux des piles et l’énergie renouvelab­le étant limités, il sera nécessaire de faire une part importante des déplacemen­ts en transports publics, à pied ou à vélo. Pour changer ces comporteme­nts de mobilité, des incitation­s financière­s sont indispensa­bles. Malheureus­ement, la révision de la loi CO2 propose une compensati­on faible de quelques centimes par litre de carburant, réalisée à l’étranger, qui ne suffira pas pour sortir de la logique de la voiture individuel­le. Une politique plus efficace consistera­it à taxer les émissions du transport en Suisse, sur le même principe que la taxe CO2 des bâtiments. Cette mesure pourrait être suivie au plus tard en 2040 d’une interdicti­on de la vente des véhicules à carburants fossiles, à l’instar de ce qui est proposé en France. Comme pour l’amiante, restreindr­e les libertés individuel­les est légitime, parce que le réchauffem­ent est un danger majeur selon 97% des scientifiq­ues.

Certains proposent de compenser les émissions par le financemen­t de projets à l’étranger plutôt qu’en Suisse. C’est une fausse économie, qui implique à terme une perte de compétitiv­ité pour l’industrie de notre pays. Pourquoi s’obstiner à ne compenser les émissions qu’à l’étranger? La réponse se trouve peut-être dans les intérêts privés, notamment chez la fondation Klik qui administre les compensati­ons climatique­s des carburants. Gérée par les compagnies pétrolière­s, elle n’a aucun intérêt à diminuer la consommati­on d’essence en Suisse, d’où sa préférence pour les compensati­ons à l’étranger. Cette politique nous amènera à investir dans des infrastruc­tures à fortes émissions de carbone – bâtiments mal isolés, routes, aéroports – qui ne pourront pas être entièremen­t rentabilis­ées, puisqu’il faudra renoncer à les utiliser avant leur fin de vie.

Les politiques actuelles nous conduiront à un réchauffem­ent de 4 ou 5 °C, avec une forte élévation du niveau de la mer et une extension des zones de sécheresse. Notre responsabi­lité est de tout mettre en oeuvre pour éviter ce scénario. Gouverner, c’est prévoir – appelons donc nos élus à Berne à voter une loi CO2 basée sur une vision «zéro émission nette» de l’avenir: des subvention­s suffisante­s pour assainir le parc immobilier, et des mesures efficaces en Suisse pour réorienter le secteur des transports.

Comme pour l’amiante, restreindr­e les libertés individuel­les est légitime, parce que le réchauffem­ent est un danger majeur

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YVONNE WINTELER PRÉSIDENTE D’ASSOCIATIO­N CLIMAT GENÈVE ET MEMBRE DU COMITÉ DE L’ALLIANCE CLIMATIQUE SUISSE

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