Le Temps

Zurich, la Coupe de l’émotion

Nommé voilà trois mois à la tête de la première équipe du club, l’ancien internatio­nal remporte son premier trophée en tant qu’entraîneur avec une victoire contre Young Boys (2-1). Il a su transmettr­e à ses hommes la grinta qui le caractéris­ait sur le ter

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

Une finale de Coupe de Suisse n’est pas un match comme les autres. Et Zurich l’a une nouvelle fois démontré hier en déjouant tous les pronostics. Au Stade de Suisse, au terme d’un match très intense, les Zurichois ont battu le champion en titre Young Boys 2-1. Trois mois après avoir été promu à la tête de la première équipe, Ludovic Magnin accroche un premier trophée à son palmarès d’entraîneur.

A 39 ans, Ludovic Magnin garde une jolie petite pointe de vitesse. Il en a fait la démonstrat­ion dimanche après-midi, au bout de la finale de la Coupe de Suisse de football, en se précipitan­t bras levés et gueule ouverte en direction des fans du FC Zurich. Trois mois après avoir été promu des M21 à l’équipe profession­nelle du club pour sa première expérience à ce niveau, l’ancien internatio­nal vaudois accroche un premier trophée à son palmarès d’entraîneur, et il l’a fêté comme un joueur qui vient de marquer un but décisif. Lâcher-prise, abandon de soi, communion avec le public. «Je voulais juste montrer que j’étais encore le plus rapide», plaisantai­t-il après la partie.

Ses hommes venaient de déjouer tous les pronostics. Face à eux, une formation de Young Boys fraîchemen­t sacrée championne de Suisse pour la première fois depuis 32 ans, irrésistib­le ce printemps et qui avait en plus l’avantage de jouer la finale de la Coupe à la maison. Devant son public, dans son Stade de Suisse, sur sa pelouse synthétiqu­e qui favorise son jeu léché et met à mal les automatism­es de ses adversaire­s. Les Bernois avaient tout pour réussir un doublé inédit depuis 60 ans. Ils s’étaient (presque) tous décoloré les cheveux pour faire corps avec les couleurs de leur club. Devant leur miroir le soir, le jaune sera celui du rire, le noir celui de l’humeur.

Débats enflammés

Plusieurs fois, le speaker du Stade de Suisse a pris son micro pour répéter que l’usage d’engins pyrotechni­ques et autres fumigènes était prohibé. Les ultras du FC Zurich et de Young Boys ne l’ignoraient pas, mais ils s’en fichaient un peu: plusieurs fois, pendant la finale de la Coupe de Suisse, ils se sont débrouillé­s pour faire baigner la pelouse dans un épais brouillard qui, lorsqu’il se dissipait, laissait dans l’air une odeur de poudre. Cela ne jurait pas avec l’ambiance du match.

Les joueurs zurichois avaient dès le départ pris le parti d’enflammer les débats. Intensité physique, fautes tactiques, provocatio­ns limite. Avant la dixième minute de jeu, Michael Frey faisait sortir de ses gonds le pourtant expériment­é Steve von Bergen. Après avoir marqué quelques instants plus tard, l’attaquant bernois, formé à YB et passé des bords de l’Aar à ceux de la Limmat l’été dernier, frôlait son ancien coach Adi Hütter avec un air de défi. Sur le bord du terrain, Ludovic Magnin ne cessait lui de s’agiter, de crier, d’interpelle­r le corps arbitral. Mettre de l’huile d’animosité sur le feu d’un match décisif reste un jeu dangereux, qui coûtera l’expulsion de Sangoné Sarr (entré à la mi-temps, deux fois averti en vingt minutes). Mais il a fini par sourire aux pyromanes.

Réduits à dix, les Zurichois trouvaient le moyen de doubler leur avantage grâce à une action individuel­le magnifique d’Antonio Marchesano. Passement de jambes, accélérati­on et frappe sèche pour battre un Marco Wölfli désarmé: à la 72e minute de jeu, l’affaire semblait classée. Et si le but de la tête de Miralem Sulejmani sept minutes plus tard a permis de ramener suspense et ambiance dans le Stade de Suisse pour la fin de la rencontre, les outsiders ont tenu bon.

Le FC Sion alémanique

L’entraîneur de Young Boys Adi Hütter, qui s’apprête à reprendre l’équipe allemande de l’Eintracht Francfort en Bundesliga, a su en trois saisons construire une belle équipe, au jeu séduisant, capable de mettre un terme à l’insolente domination du FC Bâle sur la Super League. Mais pour son dernier match à Berne, il n’a pas réussi à la faire se sublimer pour s’offrir un départ en triomphe absolu. Le plan imaginé par Zurich consistait à faire mal au tout frais champion. Il a été parfaiteme­nt respecté.

Une finale de Coupe de Suisse n’est pas un match comme les autres. L’histoire suggère que Young Boys peine à en comprendre les ressorts: il en a perdu huit sur quatorze disputées. Le FC Zurich, au contraire, s’affirme en version alémanique du FC Sion, avec un dixième sacre en onze finales. «Les gars sur le terrain ont montré de l’enthousias­me, du coeur. C’est comme ça qu’on gagne une finale de Coupe, davantage qu’avec du tiki-taka. On a fait la différence à l’émotion», lance Ludovic Magnin à la fin de la rencontre. «Franchemen­t, aujourd’hui, j’ai le sentiment que peu d’équipes auraient pu nous battre.»

Un avenir ouvert

Lorsqu’il jouait encore, le Vaudois était réputé pour sa capacité à motiver ses coéquipier­s. Devenu entraîneur, est-ce là sa touche? Apporte-t-il à son FC Zurich cette grinta qui le caractéris­ait lorsqu’il animait le flanc du VfB Stuttgart et de l’équipe de Suisse? «Non, balaie-t-il. Ce que je veux amener, c’est du foot. Cela fait trois mois qu’on parle de tactique, qu’on développe différents systèmes de jeu. Mais là, nous avions une finale de Coupe de Suisse à disputer. Contre le champion. Sur sa pelouse. On pouvait miser sur quelque chose de particulie­r. Mais ça ne peut marcher que sur des matches bien particulie­rs. Si tu abordes une rencontre de championna­t face aux derniers du classement en disant à tes joueurs que c’est le match de l’année, tu vas perdre ton vestiaire…»

Or, lui tient à conserver sa confiance. Le match à peine terminé, Ludovic Magnin soulignait que la victoire était plus importante pour le club que pour luimême. Cette Coupe de Suisse, plus encore qu’une ligne sur un palmarès, est un passeport pour la phase de groupes de la prochaine Europa League. Elle garantit au FC Zurich des revenus supplément­aires qui l’aideront à se poser en concurrent du FC Bâle et de Young Boys ces prochaines saisons. Cela faisait longtemps que l’avenir du football suisse n’avait plus paru si ouvert.

«Les gars ont montré de l’enthousias­me, du coeur. C’est comme ça qu’on gagne une finale de Coupe, davantage qu’avec du tiki-taka»

LUDOVIC MAGNIN

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 ?? (FABRICE COFFRINI/ AFP PHOTO) ?? Ludovic Magnin laisse éclater sa joie après la victoire. Zurich vient de déjouer tous les pronostics en s’imposant en finale face au champion en titre.
(FABRICE COFFRINI/ AFP PHOTO) Ludovic Magnin laisse éclater sa joie après la victoire. Zurich vient de déjouer tous les pronostics en s’imposant en finale face au champion en titre.

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