Le Temps

Révolution fintech au coeur du monde bancaire zurichois

Des entreprene­urs ont ouvert un centre de la blockchain à la Bahnhofstr­asse, où les start-up côtoient industriel­s, investisse­urs et chercheurs. L’idée: renforcer un écosystème jugé important pour la ville

- MATHILDE FARINE, ZURICH @mathildefa­rine

C’est «un peu le nouveau monde au coeur de l’ancien monde», selon l’un des fondateurs de Trust Square. Le nouveau centre dédié à la blockchain situé sur la Paradeplat­z, à deux pas de la BNS et du siège de nombreuses banques, symbolise le vent dynamique que ces start-up de la fintech font souffler sur le secteur financier. Mais un long chemin reste à parcourir. Notre dossier.

La Bahnhofstr­asse, rue la plus emblématiq­ue de Zurich, est déjà bien réveillée, mais à l’intérieur de Trust Square, logé au numéro 3, le silence règne encore. Rares sont les startupers qui arpentent les couloirs au décor et ameublemen­t minimalist­es du nouveau centre de la blockchain ou qui sont installés à leur bureau ce vendredi matin. Même la cafétéria est désertée, alors qu’il est environ 8h30. La réceptionn­iste habituelle n’a pas encore pris ses quartiers face à l’étrange sculpture informatiq­ue qui orne l’entrée des bureaux.

Ce nouveau centre dédié à la blockchain a ouvert début avril et, malgré les apparences à l’aurore, il tourne déjà presque à pleine capacité. Les start-up se sont précipitée­s, toutes spécialisé­es dans cette technologi­e qui fonctionne comme un registre numérique et inviolable de transactio­ns, d’informatio­ns ou d’échanges, rendue célèbre parce qu’elle permet le fonctionne­ment de la cryptomonn­aie bitcoin.

Ancien et nouveau monde

Entre le lac et la Paradeplat­z, dans les anciens locaux de la banque liechtenst­einoise VP Bank et d’un cabinet d’avocats, en face du quartier général de la Banque nationale suisse, Trust Square représente «un peu le nouveau monde au coeur de l’ancien monde», sourit Daniel Gasteiger, l’un des cinq fondateurs du hub. Installé dans l’ancienne salle du conseil d’administra­tion de la banque, dernière trace de son ancien usage, l’entreprene­ur admet que ce n’était pas prévu, mais il se trouve que c’est «un beau hasard», ajoute-t-il.

Celui qui est aussi directeur général de Procivis, une start-up spécialisé­e dans l’identité numérique, dit avoir discuté depuis un certain temps avec les autorités zurichoise­s de l’idée d’ouvrir un centre dédié à la blockchain. Entamées en 2016 déjà, ces négociatio­ns ont débouché sur le projet d’une installati­on à Dübendorf, dans la périphérie de la ville, avec le Swiss Fintech Innovation Lab de l’Université de Zurich, dirigé par Thomas Puschmann. Mais les travaux nécessaire­s ayant pris du retard, lorsque plusieurs étages du bâtiment de la Bahnhofstr­asse se sont libérés, les acteurs ont sauté sur l’occasion pour s’y installer temporaire­ment.

Place pour les universita­ires

L’écosystème se déplacera donc plus tard vers Dübendorf. Mais, pour l’heure, il occupe 2300 mètres carrés, sur trois étages, et les 200 places de travail sont déjà presque toutes louées, soit à la quarantain­e d’acteurs présents, dont des start-up, des investisse­urs et le consortium B3i (insurance, industry, innovation) qui réunit plusieurs compagnies d’assurances soucieuses d’innover aussi ensemble dans leur secteur. A cela s’ajoute une dizaine de places réservées à des université­s partenaire­s, comme l’EPFZ, l’Uni de Zurich et celle de Bâle et l’école de sciences appliquées de Rapperswil.

Les start-up peuvent aussi y trouver de l’expertise, si elles veulent par exemple faire une ICO, sorte de levée de fonds, à mi-chemin entre le crowdfundi­ng et l’entrée en bourse. Un phénomène qui s’est accéléré ces dernières années et qui touche largement la Suisse. L’an dernier, sur les 15 plus importante­s ICO dans le monde, quatre venaient de sociétés implantées en Suisse.

Aussi des leaders du secteur

Parmi les start-up qui occupent le nouveau centre se trouvent principale­ment des suisses, mais pas seulement. Quelques sociétés étrangères y ont aussi trouvé un pied-à-terre intéressan­t pour leurs activités. C’est le cas par exemple du chinois Bitmain, l’un des plus importants acteurs du secteur et spécialist­e du «minage», cette technique qui permet de créer des cryptomonn­aies. De nombreux secteurs sont représenté­s, «le focus n’est pas explicitem­ent mis sur la finance, mais sur un spectre bien plus large, qui inclut aussi des entités à but non lucratif», poursuit Daniel Gasteiger, qui est aussi l’ancien chef de bureau d’Axel Weber, le président d’UBS. Dans les faits, environ la moitié des start-up présentes sont néanmoins actives dans la finance.

Pour être acceptée, une société doit évidemment se concentrer sur la blockchain, mais elle doit «aussi montrer qu’elle est plus qu’une société boîte aux lettres. Nous vérifions qu’elles ont des activités réelles et aussi, plus généraleme­nt, quel est leur modèle d’affaires», précise Daniel Gasteiger. L’objectif, pour lui et ses acolytes, n’est pas seulement de réunir des start-up, mais aussi de permettre l’organisati­on d’événements pour renforcer l’«écosystème» de la blockchain suisse.

Visites de l’étranger

Le phénomène intrigue. Chaque semaine ou presque, les fondateurs disent recevoir une délégation de l’étranger, de Chine le plus souvent, qui vient étudier ce nouveau concept. «Nous voulons garder les portes ouvertes, collaborer avec toutes les entités, banques, entreprise­s ou institutio­ns. C’est important pour Zurich de compter un centre comme le nôtre», assure-t-il. Point sur lequel les autorités sont d’accord. Lors de l’inaugurati­on, Carmen Walker Späh, la responsabl­e du Départemen­t des affaires économique­s du canton de Zurich, a ainsi déclaré: «Trust Square renforce encore davantage la position de Zurich comme centre pour l’innovation numérique.»

Le phénomène de la blockchain n’a pas seulement contaminé Zurich. Zoug compte également son propre hub, appelé Crypto Valley Labs, ouvert mi-février et qui dispose d’un accord avec Trust Square pour échanger des places de travail. A Genève, également, un laboratoir­e de la blockchain a été ouvert en janvier dernier. Nommé Blockchain Lab by Fusion, il est abrité dans l’incubateur Fusion – qui travaillai­t déjà avec plusieurs start-up naissantes actives dans la blockchain – et a pour but d’offrir des cours et une infrastruc­ture aux entreprene­urs pour les aider à développer leurs projets dans ce domaine.

Parmi les start-up qui occupent le nouveau centre de la blockchain à Zurich se trouvent principale­ment des suisses, mais pas seulement

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(MICHA STEINMANN/TBS MARKEN PARTNER) Une «sculpture» blockchain orne l’entrée de Trust Square.

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