Des opportunités pour les pays en développement
Par le passé, les gens étaient tributaires de la bienveillance des chauffeurs de bus quand ils voulaient envoyer de l’argent à leurs familles à la campagne. Grâce à la création de possibilités de paiement numériques et mobiles, ces processus sont désormais plus simples et surtout plus avantageux.
L’un de ces prestataires de services financiers numériques est par exemple «M-Shwari» – une coopération entre la Commercial Bank of Africa (CBA) et Safaricom (filiale kényane de Vodafone). L’entreprise permet à ses clients, dont la plupart ont de faibles revenus, d’ouvrir un compte en banque dans les plus brefs délais, d’économiser de l’argent et de contracter un crédit. Aujourd’hui, M-Shwari compte plus de 10 millions de clients et la CBA accorde quotidiennement 50000 crédits avec l’application M-Shwari. L’entreprise a montré que les services de paiement mobiles peuvent devenir des prestataires de produits financiers de grande qualité.
Les comptes M-Shwari ne peuvent être utilisés qu’avec l’aide d’un autre service de paiement mobile – «M-PESA», une autre success-story africaine. En seulement dix ans, M-PESA a réussi à devenir une composante essentielle dans le quotidien de la population kényane. Les prestations de M-PESA sont principalement utilisées par les actifs pour leurs paiements quotidiens et pour virer de l’argent à leur famille à la campagne. Tout cela fonctionne avec une application sur leur smartphone.
Dans un pays où la situation sécuritaire empêche souvent de transporter de l’argent sous une forme physique, M-PESA offre à ses clients un trafic des paiements sûr. Uniquement au Kenya, M-PESA compte entre-temps 19 millions d’abonnés et les virements avec M-PESA représentent plus de la moitié du PIB kényan.
Afrique, berceau de nombreuses fintechs
Forte de ses success-story, l’Afrique est devenue le berceau de nombreuses fintechs. Le secteur suscite notamment un vif intérêt auprès des capital-risqueurs. On pense que le secteur technologique progressera de 414 millions de dollars en 2014 à 608 millions de dollars en 2018. Contrairement à d’autres régions dans lesquelles le paysage bancaire est menacé par la montée en puissance du secteur, les banques et les fintechs dans les pays en développement semblent pouvoir coexister pacifiquement, voire entretenir une relation complémentaire car de nombreuses fintechs proposent des services que le secteur financier traditionnel ne proposait pas par le passé.
L’apparition des fintechs et l’octroi numérique de crédits génèrent aussi de nombreux nouveaux défis, notamment en ce qui concerne les risques de surendettement, la transparence et la rentabilité. Selon le CGAP, ces nouveaux prestataires de services financiers réclament des commissions et des intérêts parfois excessifs. Ils sont nombreux à faire face à un nombre croissant de défauts de paiement, ce qui entraîne une hausse des taux d’intérêt. Il y a en outre un risque de surendettement des clients, car il n’existe pas de systèmes d’information homogènes qui permettraient aux prestataires d’échanger sur leurs portefeuilles de crédit respectifs. Ces problématiques ne s’observent pas uniquement dans les pays en développement.
Aux Etats-Unis, les plateformes numériques d’octroi de crédits sont par exemple confrontées à un nombre croissant de défauts de crédit (hausse de 1,6% à la fin 2014 à 3,2% en 2017). Selon le Financial Times, les rendements ont ainsi baissé pour les investisseurs (baisse de 12% en 2014 à 5% en 2017). La valeur marchande de telles plateformes a par conséquent baissé et les questions de gouvernance ont entraîné l’intervention des autorités de surveillance.
Alors que ces prestataires de services financiers mobiles et numériques sont confrontés aux risques de crédit, aux défis opérationnels et aux questions de gouvernance, les modèles fondés sur un conseil personnalisé, notamment le secteur de la microfinance, enregistrent des taux de défaillance systématiquement moins élevés et offrent aux personnes dans des pays en développement un accès fiable aux services financiers. Les taux de défaillance des établissements de microfinance sont inférieurs à 1%. Ces faibles taux de défaillance sont le résultat d’une profonde connaissance du marché et de la proximité personnelle entre le prêteur et l’emprunteur.
Les fintechs et les plateformes de crédit numériques engendrent des gains de productivité et d’efficacité, elles contribuent à une réduction des frais de transaction et permettent un transfert sécurisé d’argent – sans remplacer l’interaction personnelle avec l’emprunteur, la partie la plus importante du processus de crédit, qui permet de faibles taux de défaillance, des taux d’intérêt bas et de surmonter durablement la pauvreté.