Le Temps

La crise politique italienne ne devrait pas contaminer la zone euro

La bourse de Milan a reculé de plus de 2% lundi, en raison de l’incertitud­e politique en Italie. Les autres places financière­s ont résisté. Les analystes excluent, à ce stade, un «Italexit»

- RAM ETWAREEA @ram52

Le refus du président italien Sergio Mattarella de nommer un gouverneme­nt ouvertemen­t euroscepti­que et les perspectiv­es incertaine­s de nouvelles élections ont pesé sur la bourse de Milan lundi. Celle-ci a clôturé à -2,08% par rapport à vendredi qui avait déjà enregistré un fort recul.

Autre indicateur qui prend la mesure de la crise: le rendement des obligation­s italiennes à 10 ans a grimpé à 2,684%, atteignant le niveau le plus haut depuis 2013. A titre de comparaiso­n, celui du bon allemand de référence était de 0,344%.

Car sur le fond, la dette italienne pèse comme une épée de Damoclès sur l’économie de la Péninsule. Elle s’élevait fin mars à 2302 milliards d’euros, soit 132% du produit intérieur brut du pays. C’est le ratio le plus élevé en Europe, derrière la Grèce, et bien loin de la limite de 60% prescrite par le Pacte de stabilité.

«On est une nouvelle fois déçu par l’incapacité des Italiens à prendre les décisions qui instaurent la confiance»

MARIE OWENS THOMSEN, CHEFFE ÉCONOMISTE DE CA INDOSUEZ À GENÈVE

Gains de l’année effacés

«Les titres italiens ont effacé tous les gains enregistré­s depuis le début de l’année en quelques jours, fait remarquer Marie Owens Thomsen, cheffe économiste de la banque CA Indosuez à Genève. On est une nouvelle fois déçu par l’incapacité des Italiens à prendre les décisions qui instaurent la confiance.» Selon elle, les prochaines élections annoncées d’ici au début de l’année prochaine vont prolonger la volatilité. D’autant plus que le gouverneme­nt intérimair­e aura une faible marge de manoeuvre dans la gestion du pays.

Marie Owens Thomsen fait toutefois remarquer que les autres places financière­s européenne­s n’ont pas suivi le mouvement de la bourse de Milan. Elles ont en effet terminé la journée de lundi en zone négative, mais les pertes ont été limitées. «Notre scénario de base exclut la contagion de la crise italienne à la zone euro, explique-telle. Celle-ci s’est beaucoup consolidée par rapport à 2011.» Selon elle, les investisse­urs sous-estiment parfois l’engagement des Européens pour minimiser les risques.

A ce propos, Samy Chaar, chef économiste de la banque Lombard Odier, ajoute que les fondamenta­ux économique­s de la zone euro sont solides. «D’autres facteurs comme les perspectiv­es d’une guerre commercial­e entre les Etats-Unis et la Chine, la situation en Corée du Nord ou encore l’éventuelle motion de censure contre le gouverneme­nt espagnol vont influencer les places financière­s, explique-t-il. Mais globalemen­t, nous restons constructi­fs sur la base de la solidité et la dynamique de l’économie européenne et mondiale.»

Un retrait serait désastreux

Pour sa part, Gero Jung, chef économiste de Mirabaud Asset Management, souligne que les deux partis non traditionn­els qui pourraient remporter les législativ­es usent de moins en moins de la rhétorique de sortie de la zone euro. Cela apaise les marchés et réduit la pression sur le taux de change de la monnaie européenne.

«A ce stade, au lieu d’un retrait, potentiell­ement désastreux pour les 19 pays membres de la zone euro, les Italiens se focalisent principale­ment sur des stimuli fiscaux domestique­s», dit-il. Selon lui, grâce à son surplus primaire, l’Italie a une marge de manoeuvre pour augmenter les dépenses publiques.

Samy Chaar tient à souligner que la volatilité à la bourse de Milan ne fait que refléter les bruits sur la scène politique. «A terme, le marché veut savoir comment les Italiens voient leur appartenan­ce à la zone euro, souligne-t-il. En cas d’euroscepti­cisme marqué, les réactions seront beaucoup plus prononcées.» Il craint toutefois que les prochaines élections ne permettent pas de clarifier le positionne­ment italien même si le pire des scénarios lui paraît irréaliste.

«Restons constructi­fs»

Philippe Waechter, responsabl­e de la recherche économique du fonds Ostrum AM, affirme que les prochaines élections générales en Italie seront centrées sur l’appartenan­ce de l’Italie à la zone euro. «Ce qui effraie, c’est que les Italiens n’en sont plus fans», relève-t-il.

Dans le dernier sondage (octobre 2017) Eurobaromè­tre de la Commission européenne, 40% des Italiens pensaient que l’euro était une mauvaise chose pour leur pays, contre 45% d’avis positifs.

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