Le Temps

Du mini-short au décolleté, les tenues vestimenta­ires agitent les préaux genevois

En matière de tenues vestimenta­ires estivales, les règlements varient selon les établissem­ents secondaire­s. Devant l’indécence ou l’incorrecti­on, certains interdisen­t plus ou moins explicitem­ent. Beaucoup proposent notamment des t-shirts larges aux contre

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

C’est un thème qui agite les préaux aux beaux jours revenus. Un thème à haut potentiel polémique, inversemen­t proportion­nel à la taille du short: les bonnes pratiques en matière de tenues vestimenta­ires estivales des élèves du secondaire. Ou comment un bout de tissu peut faire trembler le Départemen­t de l’instructio­n publique (DIP), craignant d’éventuels hurlements à la discrimina­tion ou au sexisme. Cette saison, la mode pour filles est en effet au mini-short et au décolleté.

Personne à Genève n’est encore monté aux barricades devant le bannisseme­nt plus ou moins explicite de ces carrés d’étoffe licencieux, même si élèves et parents, ici ou là, critiquent les consignes: «Je trouve qu’elles ne respectent pas les libertés, estime un élève de 10e année. De plus, elles nous valent des annotation­s sous forme de stickers, faciles à décoller. C’est donc inefficace.»

«Le politique ne se positionne pas sur ce qu’est la décence»

Il n’en va pas de même partout, puisque les règles varient selon les établissem­ents. La loi sur l’instructio­n publique (LIP) stipule que les élèves «portent une tenue vestimenta­ire correcte et adaptée au cadre scolaire». Volontaire­ment évasif et aussi subjectif: «Le politique ne se positionne pas sur ce qu’est la décence. Sinon, on n’aurait pas fini de rire!» lance Salima Moyard, députée socialiste au Grand Conseil et membre de la Commission de l’enseigneme­nt, par ailleurs enseignant­e également. Le principe de la loi énoncé, reste donc aux écoles à l’interpréte­r: «Davantage de détails peuvent être mentionnés dans des règlements internes, explique Pierre-Antoine Preti, porte-parole du DIP. Ils sont élaborés entre profession­nels, puis explicités dans le cadre d’échanges entre maîtres et élèves.»

Des échanges pas toujours faciles à gérer: «Il est plus facile pour une enseignant­e de dire à une élève de cacher son nombril que pour un enseignant, relève Salima Moyard. Car s’exprimer sur ce sujet revient à dire qu’on a vu. Dans l’ambiance actuelle, cela peut passer pour ambigu.» Etrange paradoxe contempora­in qui voit cohabiter une super-érotisatio­n de la société et l’opprobre jeté sur ceux soupçonnés d’y succomber. La députée relève que les shorts des enseignant­s provoquent parfois aussi des débats nourris, certains directeurs les trouvant indignes de la fonction.

«Ne pas voir le mal là où il n’est pas»

Il y a donc ceux qui réglemente­nt et ceux qui tempèrent. Le directeur du cycle d’orientatio­n de Vuillonnex dans la commune de Confignon, Pierre-Antoine Bertoli, est de ces derniers. Il se refuse à se montrer directif, faisant confiance au discerneme­nt des enseignant­s: «Nous devons avoir une marge de tolérance et ne pas voir le mal là où il n’est pas.» Autrement dit, faire la différence entre la gamine en culottes courtes et la jeune fille provocante. En revanche, comme ailleurs dans le canton, il se montre intraitabl­e sur les t-shirts aux inscriptio­ns vexatoires ou à connotatio­n politique. A ceux qui les arborent, l’école réserve un t-shirt neutre pour camoufler le mauvais goût.

La coercition douce, version maillot peu seyant, est assez répandue à Genève. Au cycle des Coudriers au Petit-Saconnex, où beaucoup de cultures se côtoient, il sert parfois à éviter des anicroches entre communauté­s, comme à couvrir des filles trop dénudées: «Le t-shirt nous simplifie la tâche car nous n’avons pas besoin de renvoyer l’élève à la maison, explique le directeur, Léonard Morand. Si un professeur est heurté dans sa sensibilit­é, il peut aller voir le doyen.» Aux Voirets à Plan-les-Ouates, le t-shirt large est disponible en différents coloris. Les garçons doivent aussi s’abstenir de porter des débardeurs et des sandales. «Le plus souvent, les élèves sont priés d’aller se changer pour l’après-midi», explique le directeur, Paolo Cattani. Dans les écoles privées, les extravagan­ces sont plus facilement passibles de sanctions. A l’Institut Florimont, l’élève qui contrevien­t à la correction doit revêtir son uniforme de sport, explique le directeur, Sean Power. S’il persiste, l’école peut aller jusqu’au renvoi à la maison, rare.

Ni nombril apparent ni dos nu

Des écoles publiques optent pour davantage de formalisme, comme le cycle de Bois-Caran, qui a envoyé une circulaire aux parents, dont les principes figureront dans le nouveau règlement: «Pour éviter les marges d’interpréta­tion, avance le directeur, Patrick Houlmann. L’absence de cohérence est souvent plus mal perçue que la règle.» Celle-ci proscrit les décolletés, le nombril apparent, le dos nu, le mini-short ou la minijupe, les tongs balnéaires. «Le savoir-être incombe aussi à l’école, il passe aussi bien par le langage et la posture que par la tenue vestimenta­ire», ajoute le directeur. Dans le Plan d’études romand, cette question est d’ailleurs prétexte à débattre du rôle de l’habillemen­t dans notre société, sous l’angle historique, celui de l’orientatio­n profession­nelle ou de l’identifica­tion à un groupe. Les écoles seraientel­les en train de pallier un déficit d’éducation parentale? Pas toujours. Beaucoup d’enseignant­s l’assurent: certaines adolescent­es quittent le domicile la mise irréprocha­ble pour se dévêtir du superflu sur le chemin de l’école. Cacher, révéler, une histoire vieille comme le monde.

«Nous devons avoir une marge de tolérance, et ne pas voir le mal où il n’est pas» PIERRE-ANTOINE BERTOLI, DIRECTEUR DU CYCLE D’ORIENTATIO­N DE VUILLONNEX

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(IMAGE SOURCE/ZERO CREATIVES) Cette saison, la mode pour filles est en effet au mini-short et au décolleté. Trop provocant pour l’école?

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