Le Temps

«La société est prête, la politique ne l’a juste pas encore remarqué»

- ADRIAN WÜTHRICH CONSEILLER NATIONAL (PS/BE) BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger)

PORTRAIT Nouveau conseiller national, Adrian Wüthrich s’apprête à porter le combat pour un congé paternité sous la Coupole. Pour le socialiste, aucun doute: la population soutiendra son initiative

Il y aura bientôt un congé paternité en Suisse, c’est Adrian Wüthrich qui vous le dit: «Quatre semaines, je ne vois pas comment on peut dire non!», sourit le socialiste de 37 ans. En juillet dernier, Travail. suisse, faîtière des travailleu­rs qu’il préside, déposait en collaborat­ion avec d’autres organisati­ons l’initiative «Pour un congé de paternité raisonnabl­e – en faveur de toute la famille», qui réclame un minimum de 20 jours de congé payé pour les pères après une naissance. Un minimum selon le Bernois, pour qui il est désormais temps que le dernier pays européen dénué de toute forme de congé paternité «fasse le pas».

Adrian Wüthrich est un idéaliste qui n’hésite pas à prendre les devants. A 17 ans, en 1997, il crée la première section socialiste de son village d’enfance, Walterswil (BE), sous l’oeil méfiant de ses concitoyen­s: «Nous n’étions absolument pas les bienvenus, jusque-là il n’y avait que l’UDC! On m’a traité de communiste et personne ne voulait travailler avec nous.» Son culot paie, puisqu’il attire l’attention du conseiller national socialiste Ernst Leuenberge­r, originaire du village voisin, qui préside alors la Chambre basse. Le PS de Walterswil, 500 âmes, sera ainsi inauguré en présence du premier citoyen du pays. Quelques années plus tard, Adrian Wüthrich deviendra son assistant parlementa­ire.

Socialiste atypique

Fils d’un chauffeur et d’une vendeuse, il est le premier de sa famille à pousser les portes de l’université. Son master en poche, il sera successive­ment élu conseiller municipal dans la commune d’Huttwil en 2009, puis, en 2010, il fait son entrée au parlement

«C’est quatre semaines ou rien»

bernois. La même année, son premier enfant voit le jour et la problémati­que du congé paternité lui saute aux yeux. Le jeune père s’efforce alors de convaincre le canton de Berne d’accorder 5 jours de congé payé à ses employés masculins. Avec succès, l’administra­tion cantonale finira par en donner dix. Socialiste atypique, la politique familiale n’est pas le seul thème de prédilecti­on d’Adrian Wüthrich, qui est capitaine dans l’armée suisse: «J’ai voulu me faire réformer pour des problèmes d’asthme, mais mon médecin n’était pas d’accord. Ensuite on m’a obligé à grader et pour finir, ça m’a bien plu.» Son engagement militaire lui confère une certaine légitimité sur les questions sécuritair­es, affirme le socialiste, qui préside l’associatio­n des agents de police du canton de Berne depuis 2014 et a siégé dans la commission de sécurité du Grand conseil bernois. «J’abandonner­ai toutefois prochainem­ent mon poste de parlementa­ire cantonal pour me concentrer sur mes attributio­ns de conseiller national», annonce-t-il.

Dans le fauteuil d’Alexander Tschäppät

Intronisé ce mardi, il remplace Alexander Tschäppät, décédé en poste d’un cancer début mai: «De tristes circonstan­ces. Mais il faut bien un successeur, que je me réjouis d’être.»C’est désormais Monsieur congé paternité au parlement fédéral. Et son défi est de taille: les chambres suisses reportent le dossier aux calendes grecques depuis plus de vingt ans et le Conseil fédéral a déjà pris position contre l’initiative. Selon les sept sages, celle-ci «compromett­rait la compétitiv­ité de l’économie et affecterai­t l’organisati­on des entreprise­s». Pas de quoi éroder la confiance d’Adrian Wüthrich, qui demeure campé sur ses positions: «La société est prête, la politique ne l’a juste pas encore remarqué.» Les chances de victoire sont réelles, affirme-t-il: «Les femmes nous soutiennen­t, la gauche est convaincue, le PDC est ouvert et le PLR ne peut plus vraiment dire non.» Le Bernois prévient: «Nous verrons si le parlement propose un contre-projet, mais pour nous, c’est quatre semaines ou rien.» ▅

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