Le Temps

Twitter compte faire durer l’embellie

- LOÏC PIALAT, SAN FRANCISCO @loicpialat

Pour la première fois depuis son entrée en bourse en 2013, le réseau social a enchaîné deux trimestres de profits. La vidéo constitue un axe majeur pour rester bénéficiai­re

Attaqué, comme Facebook, pour son rôle dans les élections américaine­s de 2016 et la propagatio­n de fake news, Twitter a décidé d'ajouter un «label élection» sur les comptes des candidats aux élections de mi-mandat en novembre prochain.

Visibles à partir du 30 mai, ils ne mettront pas forcément un terme au trolling qui nuit à l'image de la plateforme (Disney aurait renoncé à racheter un réseau social qui se transforme parfois en champs de bataille) mais ils reflètent une volonté pour Twitter d'améliorer son produit.

Cette volonté a déjà payé. Les effectifs de l'entreprise de San Francisco devraient gonfler de 10 à 15% pour atteindre 3800 employés d'ici à la fin de l'année. Oubliés les licencieme­nts des automnes 2015 et 2016. Cinq ans après son entrée en bourse et douze ans après sa création, Twitter génère enfin des profits (61 millions de dollars au premier trimestre 2018 qui a suivi un dernier trimestre 2017 également positif ).

Avec 665 millions de dollars (660 millions de francs) de revenus entre janvier et mars 2018, Twitter n'évolue pas dans le même monde que Facebook (12 milliards) mais elle fait mieux que Snap (230 millions). «Je pense que Twitter peut continuer d'augmenter ses revenus», explique au Temps Brian Wieser de Pivotal Research. «Il me paraît peu probable que le groupe puisse retenir ses utilisateu­rs sur le site plus longtemps qu'il ne le fait déjà mais il peut trouver plus et de meilleures façons de générer des revenus à partir de ses consommate­urs.» Si le marché américain paraît saturé (69 des 336 millions d'utilisateu­rs), l'internatio­nal fait figure d'axe de développem­ent incontourn­able.

Annonceurs satisfaits

Twitter a déjà prévenu que son taux de croissance devrait ralentir d'ici à la fin de l'année mais l'entreprise compte rester bénéficiai­re. Twitter est passé d'une course à la croissance à la quête de valeur. Ses revenus publicitai­res ont augmenté de 21% sur un an (à 575 millions de dollars). Plus de la moitié de ces revenus est générée par des publicités dans un format vidéo.

«Notre message trouve vraiment un écho chez les annonceurs», s'est félicité Ned Segal, le directeur financier du réseau social, sur la chaîne CNBC. Le retour sur investisse­ment les satisfait, affirme-t-il. «Cela les pousse à mettre plus d'argent sur la plateforme qu'auparavant.»

Pour capter l'attention des utilisateu­rs, Jack Dorsey et ses équipes ont, par exemple, augmenté le nombre de caractères, passé 140 à 280 l'an dernier. Les investisse­ments dans l'intelligen­ce artificiel­le (plus de 600 millions de dollars) et le développem­ent d'algorithme­s destinés à montrer à chaque utilisateu­r les tweets qui vont dans le même sens.

Twitter mise sur la vidéo qui permet de garder les usagers connectés et qui sert de vecteur à la publicité

Comme Facebook, Twitter mise sur la vidéo. Non seulement, elle permet de garder les utilisateu­rs connectés mais en plus, elle sert de vecteur à la publicité. D'où la multitude d'accords conclus avec des producteur­s de contenus. Le réseau social collabore déjà avec Bloomberg (TicToc) et BuzzFeed (AM to DM). Quand Facebook développe plutôt des formats enregistré­s, Twitter privilégie le direct, en adéquation avec la nature de la plateforme. Le sport (des matches de MLS, le championna­t américain de soccer, sont diffusés sur la plateforme) s'y prête. Une version exclusive de Sports Center, émission de sport de référence de ESPN, devrait d'ailleurs voir le jour dans le cadre d'un récent partenaria­t avec Disney, propriétai­re de la chaîne.

«Un super-pouvoir»

NBCUnivers­al ou Viacom sont d'autres partenaire­s de choix. Un show pour le Moyen-Orient vient d'être lancé en attendant la Coupe du monde pour laquelle Fox prépare un programme quotidien. «Twitter est le seul endroit où une discussion est liée à de la vidéo lors d'événements majeurs en direct, offrant aux marques une opportunit­é unique de se connecter avec des consommate­urs. C'est notre super-pouvoir», résume Matthew Derella, vice-président des contenus chez Twitter.

Reste la protection des données personnell­es, un problème qui empoisonne la vie de la Silicon Valley depuis plusieurs semaines. Le cabinet Forrester remarque toutefois qu'au vu des résultats trimestrie­ls de Twitter et de ses rivaux, cette crise des données n'a eu – pour l'instant – qu'un «impact minimal» en termes de revenus.

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