Le Temps

Twist à Locarno et fuite en avant

- ANTOINE DUPLAN @duplantoin­e

Dans «Quand j’étais Cloclo», Stefano Knuchel se souvient des hauts et des bas d’une enfance passée à esquiver la réalité dans la foulée d’un père escroc

Les années 60 étaient une fête et, magouillan­t dans l'immobilier pour monter des night-clubs voués à la faillite, Peter Knuchel en a abusé. L'addition a été salée: la famille Knuchel a perdu sa villa de rêve sur les hauts de Locarno et dû prendre la tangente. Le père, la mère et les enfants, quatre garçons et une fille, sont allés se faire oublier en Espagne, à Genève, à Crans-Montana, dans le sud de la France… «Toute ma vie, je l'ai passée en fuite. Fuyant la réalité et parfois aussi la police», raconte Stefano Knuchel.

Né à Locarno en 1966, diplômé du Conservato­ire de Fribourg, Stefano Knuchel a travaillé pour la radio et la télévision suisse italienne et réalisé quatre documentai­res, dont Nocaut, consacré à la boxe cubaine, ou Hugo en Afrique – Dans le labyrinthe africain de Hugo Pratt. Avec Quand j’étais Cloclo, il retrace à la première personne les péripéties d'une enfance chahutée auprès d'un père irresponsa­ble qui finit en prison à Marseille.

Dans cette version tessinoise du A bout de course de Sidney Lumet, les aléas de l'existence sont contrebala­ncés par la puissance de l'imaginatio­n. Loin de l'école, le petit Stefano passe des heures à rêvasser, le front appuyé sur le juke-box. Il se prend pour Claude François, recrutant sa grande soeur comme Clodette et, nostalgiqu­e, estime que «la vie était magnifique quand j'étais Cloclo».

Trucs éventés

Habilement construit à travers divers documents d'archives,

Dans le film de Stefano Knuchel, les aléas de l’existence sont contrebala­ncés par la puissance de l’imaginatio­n

émaillé d'anecdotes drolatique­s (la strip-teaseuse étranglée par son boa) ou de notations tragiques (le grand frère qui vit en reclus), le film n'évite pas la sensibleri­e et traîne en longueur. Il manque d'inventivit­é, de rythme. Peutêtre cette carence est-elle liée à la musique. N'ayant pas pu se payer quelque rengaine de son idole, le réalisateu­r s'est rabattu sur ses propres compositio­ns, pas trop funky.

Le père, disparu depuis des années, réapparaît pour un dernier tour de piste. Toute superbe bue, c'est un vieux magicien édenté aux trucs éventés qui renoue un lien brisé avec son fils. Stefano exorcise son mal-être en revêtant une dernière fois l'habit de lumière du blondin yé-yé et se déhanche devant sa vieille maman, puis face à la mer, dans une chorégraph­ie à peine plus médiocre que celles de son modèle. Le ridicule ne tue pas, et tant mieux s'il contribue à la conquête du bonheur.

VVQuand j’étais Cloclo, de et avec Stefano Knuchel (Suisse, 2017), 1h32.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland