Le Temps

Le dossier Broulis est clos, officielle­ment

Selon les experts, le magistrat PLR ne s’est pas rendu coupable d’optimisati­on fiscale. Des rapports qui ne permettent néanmoins pas de faire toute la lumière et vont amener à des changement­s de pratique au sein de l’administra­tion

- YAN PAUCHARD @YanPauchar­d

Pascal Broulis est blanchi du soupçon d’optimisati­on fiscale. Mais les zones d’ombre de cette affaire qui a déchiré le canton ne sont pas toutes dissipées. Des réformes du système sont indispensa­bles

Hier après-midi, le Conseil d’Etat vaudois a clos lors d’une conférence de presse très attendue ce qui était devenu au fil des mois et des silences du grand argentier vaudois «l’affaire» Broulis. L’histoire remonte en février 2018 avec la parution d’un article du Tages-Anzeiger s’interrogea­nt sur le domicile fiscal du ministre entre Lausanne et SainteCroi­x.

Pascal Broulis s’était défendu – maladroite­ment – de toute recherche d’optimisati­on fiscale. Sous la pression publique, il avait dû se soumettre à l’exercice de transparen­ce réclamé. Les experts ont finalement tranché: Pascal Broulis est officielle­ment blanchi du soupçon d’optimisati­on fiscale. «Il a été traité comme n’importe quel contribuab­le», assure Nuria Gorrite, présidente du gouverneme­nt. Cependant, le flou n’est pas totalement dissipé, notamment sur deux points sensibles: sa domiciliat­ion fiscale entre Sainte-Croix et Lausanne et ses frais de transport. Surtout, l’expertise a permis de mettre en lumière des pratiques contestabl­es au sein de l’Administra­tion cantonale des impôts (ACI), au coeur même du départemen­t de Pascal Broulis. Une task force, menée par trois conseiller­s d’Etat, devrait empoigner le dossier.

Questionné par Le Temps, le principal intéressé abondait dans le même sens à la sortie de sa conférence de presse: «Nous allons profiter de cette expérience – que j’aurais personnell­ement préféré éviter – pour réformer certains points.»

Le Conseil d’Etat semble aujourd’hui prêt à tourner la page, en serrant les rangs. Restent les cicatrices laissées par ces mois de polémiques et de tensions internes au sein du gouverneme­nt.

«Nous allons profiter de cette expérience – que j’aurais préféré éviter – pour réformer certains points»

PASCAL BROULIS

Officielle­ment, l’affaire Broulis est close. C’est l’avis du Conseil d’Etat vaudois, «unanime», qui a été communiqué ce mercredi après-midi lors de la conférence de presse de présentati­on des expertises externes, mises en oeuvre afin de clarifier la situation fiscale du magistrat PLR, dans la tourmente depuis trois mois. «Pascal Broulis a été traité comme n’importe quel contribuab­le et n’a usé d’aucune stratégie d’optimisati­on fiscale», assure Nuria Gorrite, présidente du gouverneme­nt, au terme d’une crispante séance de deux heures, qui n’a cependant pas permis de dissiper complèteme­nt le flou persistant de cette affaire.

Séisme politique

Le nombre important de journalist­es présents l’atteste, la conférence de presse était très attendue. Le 9 février dernier, un article du quotidien zurichois Tages-Anzeiger accusant Pascal Broulis d’optimisati­on fiscale, soupçonné de jouer sur ses deux domiciles de Sainte-Croix et de Lausanne, provoque un séisme dans le monde politique vaudois. L’intéressé communique mal; ses explicatio­ns sont alambiquée­s. L’affaire enfle dans les médias. Elle finit par déchirer le Conseil d’Etat.

Le 14 mars, le gouverneme­nt finit par contraindr­e son ancien président à une inédite et difficile mise à nu. Ses déclaratio­ns d’impôts des années 2009, 2014 et 2015 sont soumises à une inspection interne, ainsi qu’à deux expertises indépendan­tes, celles de l’ancien juge cantonal fribourgeo­is Hugo Casanova et de la société PwC à Genève.

Aujourd’hui, les experts ont tranché, au grand soulagemen­t de Pascal Broulis: il n’a pas pratiqué d’optimisati­on fiscale. «Ma situation est et a toujours été régulière», insiste le ministre des Finances. Conclusion importante, l’inspection fiscale a établi que «les conditions objectives et subjective­s sont réunies pour confirmer que le domicile fiscal principal du contribuab­le est à Sainte-Croix». Ce point a toujours suscité de nombreuses interrogat­ions, du fait que le domicile principal de l’épouse de Pascal Broulis est établi à Lausanne, ville où est également scolarisé leur fils.

Pourtant, au-delà des explicatio­ns, des zones d’ombre subsistent. L’expert Hugo Casanova s’est montré critique sur deux points particuliè­rement sensibles. Premièreme­nt, l’ancien juge estime que la taxation de 2009 de Pascal Broulis est contraire à la loi sur les impôts communaux (LICom). Celui-ci paie alors l’entier de ses impôts dans sa localité d’origine de Sainte-Croix, où il possède une maison, alors qu’il passe une partie de la semaine à Lausanne. Selon Hugo Casanova, une répartitio­n des impôts entre les deux communes aurait déjà dû avoir lieu, ce qui ne surviendra qu’en 2011, à la suite d’une demande de Florence Germond, la municipale lausannois­e chargée des Finances.

Deuxièmeme­nt, Hugo Casanova estime que l’administra­tion fiscale aurait dû investigue­r davantage sur la question des frais de voiture de Pascal Broulis, qui déduisait le trajet Sainte-Croix-Lausanne sur 240 jours ouvrables (soit une déduction acceptée de 15330 francs par année). «On ne peut par exemple par exclure un covoiturag­e partiel avec la voiture d’entreprise de son épouse», relève l’expert, qui précise que l’élu, comme l’ensemble de ses collègues, touche déjà une indemnité annuelle pour l’utilisatio­n profession­nelle du véhicule privé à hauteur de 13800 francs.

L’expert Hugo Casanova s’est montré critique sur deux points particuliè­rement sensibles

Loi cantonale à revoir

Surtout, l’expertise a permis de mettre en lumière des pratiques contestabl­es au sein de l’Administra­tion cantonale des impôts (ACI), au coeur même du départemen­t de Pascal Broulis. Une task force sera mise sur pied pour mener différente­s études. L’applicatio­n de la LICom devrait ainsi être corrigée concernant les règles de fixation du domicile fiscal d’un contribuab­le. La question des frais profession­nels du Conseil d’Etat devrait également être abordée. L’expert considère ainsi contraire au droit l’indemnité forfaitair­e de 10000 francs versée au président du gouverneme­nt vaudois.

Le Conseil d’Etat veut enfin revoir la pratique en vigueur depuis 2011 qui veut que les dossiers fiscaux de ses membres soient traités à part des contribuab­les ordinaires directemen­t au siège de l’ACI. Les prochaines déclaratio­ns seront prises en charge par les Offices d’impôt régionaux, afin de mettre fin à ce qui pourrait apparaître comme un traitement VIP pour les hauts magistrats du canton.

 ?? (JEAN-CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE) ?? Pascal Broulis en conférence de presse mercredi à Lausanne.
(JEAN-CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE) Pascal Broulis en conférence de presse mercredi à Lausanne.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland